lundi 24 décembre 2012

Jean Vilar ou la ligne droite

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Pour célébrer le centième anniversaire de la naissance de Jean Vilar, la section orléanaise de l’Association Guillaume Budé avait invité ce mardi 18 décembre, Jacques Téphany, directeur de la Maison Jean Vilar à Avignon et gendre du grand homme de théâtre. Jacques Téphany vient d’éditer dans les Cahiers Jean Vilar la correspondance échangée de 1941 à 1971 avec sa femme, Andrée Schlegel.

Dans une première partie, Jacques Téphany nous entretient du long combat que fut la vie de Jean Vilar jusqu’en 1941. Fils de petits commerçants merciers de Sète, il était, par sa famille, proche du prolétariat et n’avait aucun contact avec le théâtre. Mais son père, autodidacte qui avait souffert de n’avoir pu faire d’études, avait constitué une bibliothèque comprenant les grands classiques de la littérature. Jean avait pu ainsi y puiser dans sa jeunesse. À vingt ans, il décide de monter à Paris et il rame dans divers petits métiers jusqu’au jour où il accompagne un camarade au théâtre de l’Atelier et assiste à une répétition d’une pièce de Shakespeare sous la direction de Charles Dullin. C’est pour lui une sorte de coup de foudre et tout de suite le théâtre lui apparaît comme un lieu sacré, un lieu magique. Il demande alors à Dullin un emploi et il devient régisseur ce qui lui permettra d’apprendre son métier. Ses origines et sa vie difficile expliquent son attention aux classes populaires et son goût pour l’anarchisme. Réformé pour une appendicite mal soignée, il participe en 1941 à Jeune France, une association créée par Vichy dans le cadre de la Révolution nationale, en direction de la Jeunesse. Il y rencontre le responsable, Pierre Schaeffer, un des futurs piliers de l’ORTF, Maurice Blanchot, pour lesquels il aura beaucoup d’admiration, Jules Roy, Olivier Hussenot, Jean Dessailly, Maurice Martenot. Jeune France a fonctionné pour ce milieu comme l’école d’Uriage pour les cadres (avec le même destin, la dissolution en 1942). Jean Vilar rejoint la Compagnie de la Roulotte d’André Clavé et part en tournée dans l’Ouest où il découvre la joie de jouer devant des publics populaires et le goût de diriger. Ayant toujours souhaité d’être écrivain, il produit deux pièces mais ses grands débuts datent de 1942 quand il monte « La danse de mort » de Strindberg pour sa propre Compagnie des Sept au Théâtre de Poche.

Entre temps, en 1941, il associe son destin à celui d’une Sétoise, Andrée Schlegel, fille d’un bon peintre local et c’est le début d’une correspondance qui durera 30 ans, jusqu’à sa mort en 1971 et qui ne sera découverte qu’au décès de sa femme en 2009.

Jacques Téphany lit et commente alors les passages les plus significatifs des lettres en suivant un ordre chronologique. Jean Vilar s’y révèle tout entier, avec son amour profond pour sa femme et ses trois enfants, son attachement à Sète et au Midi, sa passion et sa conception du métier, ses relations avec les élites intellectuelles et les comédiens, l’évolution de sa carrière. Que retenir d’une correspondance aussi foisonnante ?

Avant 1945, alors qu’il est en contact avec Blanchot et Char, il évoque « son goût inné de l’obstacle » et sa perception d’un temps compté, d’une vie brève par rapport à l’œuvre à accomplir. Son métier est proche de celui de l’instituteur, il faut répéter sans cesse pour obtenir l’excellence, ce qui entraîne une certaine fatigue cérébrale. Mais c’est un métier en accord profond avec son tempérament et par lequel il forge son caractère. Il aime le parler pur, sans fioritures inutiles, le dépouillement des décors, essence de son théâtre.

En 1945, il crée la Compagnie des Sept et déjà il y démontre sa conception d’un théâtre nouveau par abonnements et qui s’ouvre à côté de la scène par des conférences, des expositions, plus tard, une cafétéria. Il aurait aimé monter le « Caligula » de Camus mais cela n’a pu se faire et il s’en console en jugeant que c’est un faux chef-d’œuvre.

En 1946, il participe avec Pierre Dux à la renaissance de la Comédie Française et l’année d’après, il crée la Semaine de l’Art dramatique à Avignon, préambule au Festival, avec trois spectacles dont un dans la Cour du Palais des Papes. Avignon réussira mais Vilar écrit : « J’emmerde la gloire ». Il commence à être reconnu (« Je suis orgueilleux pour les autres ») mais est obligé de faire un peu de cinéma pour faire bouillir la marmite.

En 1954, il prend quelque distance avec le Festival pour des raisons politiques. Il passe pour être communiste du fait de sa conception du théâtre à la fois pour les élites et pour les classes populaires  et aussi à cause de  sa proximité avec Gérard Philipe. L’Etat réduit sa subvention de 25%. Il est malade, il somatise et on peut penser qu’il a fait un premier infarctus à cette époque.

En 1955, il effectue un voyage en Grèce où il est frappé de l’isolement des théâtres par rapport aux villes (Epidaure, Delphes) et il fait le rapprochement avec son initiative d’installer le Festival à Avignon, si loin de Paris. Dès 1956, il pense souvent à la mort et il se donne quinze ans pour achever son œuvre, prescience qui allait se révéler exacte.

Jacques Téphany termine sa conférence en soulignant le charme de Vilar « On ne pouvait rien refuser à Jean », sa grande amitié avec Maria Casarès et sa préférence théâtrale pour Tchekhov. Personnage complexe, « un mystère en pleine lumière », Vilar pouvait s’enorgueillir d’avoir attiré à Chaillot et à Avignon des millions de spectateurs, ce qui en faisait un maître mondialement connu et respecté. « Je m’en fous de vieillir » disait aussi celui qui reconnaissait que « la chance, c’est la rencontre d’une femme » et qui, pensant à son petit-fils, en faisait le symbole de la continuité de la vie.

Des applaudissements nourris saluent tout l’intérêt de cette belle et originale conférence.


Vous pouvez aussi retrouver sur France Culture :


mardi 18 décembre 2012

Vingt ans de partenariat entre Guillaume-Budé et le CDN

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L’association orléanaise Guillaume-Budé a toujours considéré le théâtre comme un élément essentiel de la vie culturelle. C'est pourquoi elle est, depuis vingt ans, un partenaire actif du CDN-Orléans/Loiret/Centre.

En mai 1994 nous avons demandé à Stéphane Braunchweig, dont nous avions apprécié les mises en scène de La Cerisaie et du Conte d'hiver, de venir présenter son Docteur Faustus, une intéressante actualisation du vieux mythe de Faust à partir de textes de Thomas Mann, de Marlowe, de Goethe et même de Baudelaire.

En février 2004 Olivier Py, qui venait de passionner les Orléanais avec sa mise en scène très personnelle du Soulier de Satin, a accepté de participer, en compagnie du père Rath et du philosophe Bertrand Vergely à un débat que nous avions organisé. La question, qui portait sur le retour des mythes et sur le théâtre moderne en général, a suscité chez le public des réactions très diverses et particulièrement spontanées. 

En cette même année 2004, notre association fêtait son cinquantième anniversaire. Ce sont trois comédiens du CDN, Benoît Guibert, Christophe Maltot et Thomas Matalou, qui ont mis en scène, pour elle, une lecture d’extraits de l’historien latin Tacite. Présentée dans la salle Antoine-Vitez, cette lecture a fait revivre de façon saisissante et très moderne quelques épisodes dramatiques de l’histoire de la Rome impériale.  



En octobre 2009, alors qu’Arthur Nauzyciel proposait une mise en scène originale du Julius Caesar de Shakespeare, nous avons fait appel à trois conférenciers (Gérard Hocmard, Paul M. Martin et Claude Aziza) pour offrir au public orléanais un ensemble de points de vue cohérent "autour de Jules César". Quelques jours avant la première, Arthur Nauzyciel a lui-même expliqué ses intentions et ses choix au cours d’une rencontre "à propos du Julius Caesar de Shakespeare" organisée dans la salle Pierre-Aimé-Touchard devant les décors de la pièce.

Dans le même esprit, lorsque, en septembre 2011, Arthur Nauzyciel a mis sur le théâtre le Jan Karski de Yannick Haenel, notre président Alain Malissard a pu élargir la réflexion sur le rapport entre vérité historique et fiction en l'appliquant à un exemple tiré de l’histoire romaine, l’assassinat d’Agrippine, dont les circonstances ne sont connues que par le récit très "littéraire" qu’en a donné Tacite.

Le partenariat entre "Guillaume-Budé" et le CDN a pris une forme plus concrète dans la saison 2012-2013, puisque les membres de l’association ont pu acquérir une "Carte-pass-Budé-CDN" leur donnant accès à plusieurs activités : une représentation de La Mouette de Tchékhov dans la mise en scène d’Arthur Nauziciel, représentation qui a été précédée d’une évocation par Dominique Rémond du travail effectué sur cette même pièce en 1984 par Antoine Vitez ; une lecture par Ariane Ascaride, Marie-Sophie Ferdane et Adèle Haenel de textes de Vitez, Barrault et Touchard sur le théâtre ; une représentation de Six personnages en quête d’auteur de Pirandello dans une mise en scène de Stéphane Braunchweig ; une représentation du George Dandin de Molière, précédée, à l’initiative de l’association Guillaume-Budé, d’une conférence de Patrick Dandrey, professeur à la Sorbonne, sur cette "comédie grinçante".

Tout cela ne fait que renforcer la communauté d’intérêt et les liens d'amitié entre l'association orléanaise Guillaume-Budé et le CDN d'Orléans.
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vendredi 30 novembre 2012

Colette et Anna de Noailles, rivales et amies

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Le mardi 13 novembre, nous avons accueilli avec un grand plaisir Nicole LAVAL-TURPIN, professeur agrégé de lettres classiques au Lycée Pothier venue parler de :

COLETTE et ANNA DE NOAILLES, RIVALES ET AMIES

Dans sa présentation, Jean Nivet, après avoir rappelé le succès de la  conférence que Mme Laval-Turpin avait faite il y a déjà une dizaine d’années à propos d’une autre amie de Colette, Hélène Picard, elle aussi poétesse — qui vécut dans son ombre et fut vite oubliée — a mis l’accent sur l’étrangeté apparente de l’amitié entre la paysanne de Saint-Sauveur en Puisaye et l’aristocrate roumaine, née Princesse Bibesco de Brancovan.

Nicole Laval-Turpin a d’emblée laissé entendre qu’“évoquer ensemble ces deux auteurs pouvait relever du cliché, tant elles ont été portées au sommet d’une littérature dite féminine, chacune ayant son domaine et sa singularité”. Elle a cherché la meilleure façon d’approcher ces deux destins, liés autant par leurs affinités que par leur rivalité, “l’écriture de l’une aidant à construire l’image de l’autre”, en s’appuyant sur leurs échanges épistolaires aussi bien que sur les témoignages de leurs contemporains. Et dans un premier temps, elle retrace leurs “chemins de vie” : bien qu’elles soient contemporaines, si Anna de Noailles devient célèbre dès 1901 avec  Le cœur innombrable, à cette date, Colette n’a pas encore signé seule ses Claudine de son nom de plume, et elle devra encore attendre les années vingt pour connaître la notoriété littéraire. Leurs relations sont au départ des rencontres mondaines, mais peu à peu, un dialogue amical va s’instaurer entre la “Vagabonde” qui s’avoue “libre en paroles, tutoyeuse et peu prompte à se lier”, et la Comtesse qui accueille le Tout Paris dans son salon de l’avenue Hoche, en même temps qu’elle reçoit des honneurs officiels (par exemple elle entre en 1921 à l’Académie royale de langue et de littérature  françaises de Belgique). Cette consécration ne gênera en rien son amitié pour Colette ni même son admiration qu’elle manifestera lors de la parution du Blé en herbe qui avait choqué les premiers lecteurs, puis plus tard  à propos de Sido. qu’elle qualifie d’“éblouissante”. Colette, de son côté, lui adressera des billets, véritables témoignages d’affection.

À partir de 1930, leurs deux destins vont suivre des directions opposées : Anna de Noailles, déjà très affaiblie, s’enferme dans sa chambre capitonnée de liège, en quête d’une gloire orgueilleuse, pressentant peut-être le déclin de sa poésie jugée trop esthétisante, tandis que Colette, débordante de vitalité, s’ouvre aux réalités du monde, publie des œuvres aussi variées que Prisons et Paradis et La Chatte, reçoit des récompenses, et va même, deux ans après la mort de son amie, occuper son fauteuil à cette Académie de Belgique…

Nicole Laval-Turpin a ensuite abordé ce qu’elle appelle les “chemins d’écriture“ de nos deux “rivales amies” : elles ont bâti des domaines distincts, même s’il existe “tout un champ de coïncidences et de proximités”. Pour elles, le statut de femme est essentiel dans cette époque nouvelle (et Anna de Noailles y tient un rôle emblématique). Un sentiment païen de la nature  permet aussi de les rapprocher, mais leurs registres restent exclusifs. La poétesse, bien qu’ elle ait écrit des romans et des nouvelles, revendique  la supériorité de la poésie. Colette, mal à l’aise devant “un langage où l’on ne peut tout dire”, s’attache à  travailler sa prose, jusqu’au miracle de la phrase parfaite.

La dernière partie de la conférence a abordé le problème délicat de l’influence des origines sociales. Opposer l’aristocrate à la roturière est certes juste, mais un peu réducteur ; la différence essentielle réside dans l’attitude vis-à-vis de la gloire : celle-ci obsède — autant que la mort — l’auteur de L’Ombre des Jours,  en même temps qu’elle fonde sa conception de l’existence ; à l’opposé, la fille de Sido aime la vie bien avant la gloire. On peut continuer la comparaison à propos du prestige — Anna de Noailles recherche les honneurs, Colette les reçoit  à son tour, se contentant d’être la “seconde” — et aussi de l’image de soi : la “sauvageonne” cultive sa rudesse provinciale en se complaisant dans ce rôle ; Anna de Noailles se met en scène dans une savante sophistication, jouant la princesse orientale, “avec les accessoires de son numéro”, comme le dira Cocteau non sans rosserie. Pour elles, le corps tient une place essentielle : en face d’une Colette “reine des appétits, rabelaisienne avec ses collations roboratives et ses recettes de terroir”, Anna, née Brancoveanu, apparaît “dolente, dans sa languide anorexie”. Le contraste entre noblesse et roture  se trouve exprimé dans un rapport d’homologie entre la production littéraire et la position socialement repérable des deux femmes. C’est particulièrement vrai pour Colette qui revendique un public spécifique et se réclame de valeurs quasi terriennes comme l’attachement au travail et la vertu du quotidien, ainsi qu’en témoigne son Discours de réception à l’Académie Royale de Belgique, un devoir imposé où elle a dû vaincre sa “résistance à la respectabilité”.

Colette survivra 18 ans à sa “rivale/amie” ; elle qui avait souffert de son passé de saltimbanque croulera sous les honneurs et accumulera les gros tirages. Le temps aussi fera son ouvrage : la poésie  d’Anna de Noailles paraîtra assez vite un peu surannée (bien qu’actuellement un cercle réhabilite sa mémoire) alors que Colette est devenue non seulement un auteur classique, sujet inépuisable de thèses, mais aussi un auteur populaire, car la majorité des lecteurs s‘est reconnue dans la “grande Dame des Lettres”, toujours fidèle à la petite écolière  de Saint Sauveur en Puisaye.

Nous aurions écouté des heures durant Nicole Laval -Turpin, qui a ajouté en P.S. que la maison natale de l’écrivain a été rachetée grâce à une souscription faite d’une multitude de dons modestes.


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jeudi 22 novembre 2012

Le président de l'association nationale Guillaume-Budé sur France Culture

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Dimanche prochain — 25 novembre — sur France Culture, à 14 h 30, l'émission "Secret professionnel" de Charles Dantzig portera sur : 




Dantzig reçoit, pour en parler, le directeur actuel de la série latine, Jean-Louis Ferrary qui est aussi le président de l'association nationale Guillaume-Budé.



Voici le texte de présentation de cette émission qui dure 30 minutes :

« C'est 14. La guerre de 14. Un homme est mobilisé. Cet homme, c’est un intellectuel, un rêveur, un philologue. Dans son paquetage, il décide d’emporter une grande œuvre de la littérature qui l’aidera à traverser le mur de brutalité qu’est la guerre. Il choisit l’Iliade. Et Joseph Vendryès, puisque c’est son nom, ne trouve d’édition décente que dans une maison d’édition allemande. L’édition française de livres de l’Antiquité avait beaucoup dégénéré depuis le XIXe siècle. Il se promet de remédier à cette lacune dès que la guerre sera finie. Ce qui sera fait, grâce à la générosité de quelques chefs d'entreprise. C’est ainsi que trois choses naîtront, entre 1917 et 1920, l'association Guillaume Budé, la maison d’édition Les Belles Lettres et la collection Budé, devenue l'une des plus prestigieuses collections de classiques grecs et latin du monde. Tous ceux qui ont fait du latin et du grec durant leurs études ont eu entre les mains ces célèbres volumes. Ceux de la série grecque, qui sont de couleur jaune et à l’insigne de la chouette de la déesse Athéna, et ceux de la série latine, de couleur rose et à l’insigne de la louve romaine, imprimés sur un Vélin crème de Guyenne 80gr spécialement fabriqué pour la collection. Je reçois pour en parler le directeur actuel de la série latine, Jean-Louis Ferrary. »

Charles Dantzig
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Rappel de la page 3 du Budéscope n°7 (XII/2012)
[Cliquez sur le texte ci-dessous pour l'agrandir] 

mardi 20 novembre 2012

Les Romains et la mer

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Alain Malissard, président de notre association vient de publier : Les Romains et la mer aux éditions Les Belles Lettres. Il présentera et signera ce livre à la Librairie Les Temps Modernes, jeudi 29 novembre 2012 à partir de 18 heures (au premier étage de la librairie, entrée gratuite et en accès libre dans la limite des places disponibles).

Alain Malissard est professeur émérite de latin et de civilisation romaine à l'université d'Orléans. En 1994, il a publié dans la même collection Les Romains et l’eau.


"En 269 avant Jésus-Christ, les Romains ne craignent pas de s'embarquer sur des bateaux, qu'ils ne savent ni commander, ni manœuvrer, pour attaquer la puissance maritime des Carthaginois. Devenus les maîtres de la Méditerranée, ils la débarrassèrent des pirates et y fondent même leur Empire, quand Octave met en fuite les navires d'Antoine et de Cléopâtre.

Ils savent installer des chantiers navals, rénover les ports, entretenir une flotte militaire, favoriser l'essor de la pêche et des compagnies de navigation, développer jusqu'en Inde, en Chine et en Atlantique leurs grandes lignes maritimes.

Pourtant terriens dans l'âme, ils cuisinent avec raffinement les poissons de mer, consommèrent les huîtres avec passion, raffolent des perles et de la pourpre nées des coquillages ; ils découvrent les plaisirs de la plaisance, les charmes de la plage et les bienfaits d'une certaine thalassothérapie.

Les plus riches se font construire de magnifiques résidences en bord de mer, les plus savants réfléchissent aux questions que soulèvent les marées de l'Atlantique; les poètes, les philosophes et les orateurs reprennent les thèmes du pirate, du pilote, de la tempête ou du voyage en mer" (4e de couv.).

Alain Malissard a donné, pour notre association, les conférences suivantes :
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lundi 19 novembre 2012

Sortie du Quarto/Max Jacob

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Patricia Sustrac me prie de vous informer de l'événement suivant :

Jeudi 22 novembre à 18 h 30
Médiathèque d'Orléans
Auditorium Marcel-Reggui

En partenariat avec la Médiathèque d'Orléans
vous invite à la conférence de présentation du

Quarto/Max Jacob

par Antonio Rodriguez, éditeur de l'ouvrage
et Patricia Sustrac, coauteur de la section Vie et Oeuvre

Jeudi 8 mars 2008, Antonio Rodriguez nous a présenté, Max Jacob et le poème en prose baudelairien.

Plus de précisions sur le livre Max Jacob, Œuvres, Collection Quarto, Gallimard… et aussi sur France Culture.
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samedi 17 novembre 2012

Deux Colloques : Le Forum des Droits de l'Homme et Paroles d'en Haut

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Notre amie Émilia NDIAYE me demande de vous informer de la tenue de deux colloques qui dépendent de la Faculté de Lettres d'Orléans.


Dans le cadre du 10e Forum des Droits de l'Homme d'Orléans (octobre - décembre 2012) que Pierre Rosanvallon du Collège de France a inauguré le 7 novembre, 14 rencontres sont proposées jusqu'au 7 décembre prochain, dans toute notre agglomération. En particulier, à la faculté des Lettres se tiendra un colloque, samedi 24 novembre, avec trois tables rondes : 
  • I : La démocratie : concept et histoire, origines antiques, repères historiques et dimension philosophique.
  • II : Qu’est-ce qu’un État démocratique ? 
  • III : La démocratie dans son fonctionnement.


Les 6 et 7 décembre 2012, Paroles d'en-haut, colloque international organisé par les laboratoires IRAMAT et Polen de l'université d'Orléans. Attention, seule la journée du jeudi 6 décembre aura lieu à Orléans, le lendemain ce sera au Sénat.

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mercredi 14 novembre 2012

Colloque : Péguy et ses correspondants

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Samedi 24 novembre, au Centre Charles Péguy (11, rue du Tabour, Orléans), aura lieu un colloque organisé par l'Amitié Charles Péguy avec le concours de l'Université (équipe de recherche Polen) et de la Ville d'Orléans : 


PÉGUY ET SES CORRESPONDANTS 


Dans les Cahiers de la quinzaine se lit le dialogue entretenu par Péguy avec ses contemporains. La correspondance privée, beaucoup moins étudiée, intègre des éléments qui, non destinés à la connaissance du grand public, restitue la spontanéité des échanges et en éclaire au plus près le contexte.


Matinée
Présidence : Claire Daudin, présidente de l'ACP

  • 9 h 30 : Géraldi Leroy, Péguy épistolier
  • 10 h : Pierre-Jean Dufief, La méthode d'édition des correspondances et ses évolutions
  • 10 h 30 : Pause et discussion
  • 11 h : Yves Avril, Péguy-Étienne Avenard
  • 11 h 30 : Denis Pernot, Péguy-Gustave Téry
  • 12 h : Discussion

Après-midi
Présidence : Bernard Ribémont, directeur de l'équipe Polen

  • 14 h 30 : Michel Drouin, Péguy–Michel Arnauld
  • 15h : Dominique Millet-Gérard, Péguy-André Suarès
  • 15 h 30 : Pause et discussion
  • 16 h : Bernard Duchatelet, Péguy–Romain Rolland
  • 16 h 30 : Marie-Brunette Spire, Péguy-André Spire
  • 17 h : Discussion

Inscription gratuite auprès du Centre Charles Péguy (02 38 53 20 23 ou centre-peguy@ville-orleans.fr)
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lundi 12 novembre 2012

Jean Giraudoux et l’Antiquité

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Le jeudi 25 octobre la Section orléanaise de l’Association Guillaume Budé avait invité
Mauricette BERNE et Guy TEISSIER
pour parler de :
JEAN GIRAUDOUX ET L’ANTIQUITE

Mauricette BERNE, conservateur honoraire des Bibliothèques, spécialiste du fonds Giraudoux à la BNF est Présidente de la fondation Jean et Jean-Pierre Giraudoux ; Guy TEISSIER, professeur honoraire à l’Université Descartes de Tours a collaboré à l’édition des œuvres de Giraudoux dans la collection de la Pléiade ; de plus ils ont écrit ensemble un livre remarqué Les vies multiples de Jean Giraudoux paru en novembre 2010 aux éditions Grasset : pouvait-on trouver guides plus sûrs pour nous accompagner dans l’univers giralducien ?

Nous avons suivi dans un premier temps l’itinéraire du jeune  lycéen celui qui  a pour double le héros de Simon le Pathétique dont l’innutrition (pour reprendre le terme que Faguet appliquait à Du Bellay et à Ronsard) par la culture antique a commencé dès la classe de cinquième avec une composition française intitulée “le gladiateur mourant” ; un peu plus tard, en classe d’humanités, il écrit des variations sur Plutarque; en rhétorique, il s’exerce à imiter un dialogue de Platon. A sa sortie de la rue d’Ulm, il déclarera avec un peu d’exagération que l’Université ne lui avait appris que le pastiche.  En réalité, Giraudoux,  comme les grands musiciens, se plaît à multiplier les variations sur les œuvres majeures, à commencer par les récits homériques. Ainsi du Chant X de l’Odyssée, il ne retient qu’un personnage épisodique, effacé, couard, et qui, dans son ivresse, se tue en tombant de la terrasse du temple de Circé : c’est Elpénor, héros ou plutôt anti-héros du roman éponyme, dont la première rédaction date de 1919, version burlesque de l’épopée. Plus tard il l’enrichira, par exemple en inventant  de nouveaux épisodes, comme ce concours de poésie où Elpénor gagne contre Apollon, mais heureusement sans subir le destin tragique de Marsyas.

Giraudoux est alors parvenu à dépasser le jeu du pastiche et de la parodie ; il peut se mesurer aux grands mythes ; mais c’est au théâtre qu’il va les retrouver, et notamment grâce à sa rencontre avec Louis Jouvet en 1927, lequel va mettre en scène l’année suivante Siegfried et le Limousin. Un succès immédiat l’encourage dans cette voie, et, retrouvant son monde antique, il donne, entre 1929 et 1937, trois “grands classiques” ; d’abord une comédie  sur les amours de Jupiter et d’Alcmène, à la suite de Plaute, de Moliére, de Kleist et de 37 autres (paraît-il) : c’est Amphitryon 38. M. Berne et G. Teissier ont pris le soin de démonter le mécanisme subtil de cette fable “qui joue avec les identités” et de souligner les facettes différentes de cette pièce qui peut, comme au deuxième acte, friser le vaudeville, ou conduire le spectateur à une réflexion philosophique sur la liberté humaine. Le ton est encore plus grave dans La guerre de Troie n’aura pas lieu dont la première représentation a lieu le 22 novembre 1935, en pleine crise internationale, au milieu des rumeurs les plus alarmistes. L’auteur a pris ses personnages dans Homère, mais pour ainsi dire dans leur intimité, “avant qu’ils n’entrent dans la légende”, et, surtout, ils se sont enrichis de l’actualité : en face du belliciste Démokos / Déroulède, Hector est un combattant qui revient de la Guerre de 14. Et son Discours aux morts “est une Prière sur l’Acropole à la mesure de notre temps et de notre inquiétude”, selon le mot si pertinent de Colette. Il est hors de doute que Giraudoux a souhaité donner, à sa manière, un avertissement à ses contemporains. Dans sa troisième pièce “à l’antique” Electre, il entre directement en concurrence avec les tragiques grecs. Il va “épousseter le buste de l’héroïne et placer le mythe dans une lumière contemporaine en lui donnant la démarche d’une enquête policière, voire psychanalytique”. Il imagine des personnages, comme le Président et sa frivole épouse Agathe Théocatoclès, le chœur des trois Euménides, d’abord petites filles et qui grandissent de scène en scène, le Mendiant, spectateur et commentateur des événements, tandis qu’il emprunte la figure du Jardinier à Euripide ; en même temps il remodèle la psychologie des acteurs du drame antique. En quelque sorte Giraudoux a réinventé à sa manière la tragédie, même si certains critiques de l’époque lui ont reproché de prendre trop de libertés.


Mauricette Berne et Guy Teissier ont évoqué ensuite la “veine romaine” de l’auteur. En 1937, alors qu’il met en chantier l’impromptu de Paris, Giraudoux envoie à Jouvet le projet d’une pièce politique qui s’intitulerait Caïus ou Les Gracques, librement inspirée de Plutarque. Ce projet, qu’il reprend en 1939, restera cependant sans suite, mais dès 1942, entreprend une pièce sur l’histoire de Lucrèce et des Tarquins qui deviendra Pour Lucrèce, où il malmène la tradition, prenant le contre-pied du Viol de Lucrèce d’André Obey. C’est seulement en 1953 que cette œuvre de Giraudoux sera jouée grâce à J.-L. Barrault. Et toujours en pleine occupation, alors qu’il fait ses débuts de dialoguiste au cinéma, il écrit L’Apollon de Marsac vite rebaptisé en l’honneur de son pays natal, L’Apollon de Bellac : un lever de rideau plein de charme et d’imprévu qui n’est pas sans rappeler la verve et la fantaisie d’Intermezzo.

Disons pour conclure, en suivant nos guides attentifs, que Giraudoux, à partir de l’obscur Elpénor, a jalonné toute son œuvre théâtrale de personnages empruntés à l’histoire ou aux mythes antiques qu’il a remodelés, enrichis, en montrant leur complexité. Et surtout il a su leur insuffler ce qui manque trop souvent à la scène un langage poétique inimitable.
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lundi 15 octobre 2012

Quand les murs racontent : LES PAPIERS PEINTS DE JOSEPH DUFOUR et l’invention d’un genre décoratif



Le mardi 25 septembre a eu lieu la Séance de rentrée de la Section orléanaise de l’Association Guillaume-Budé et qui a débuté par le traditionnel propos de notre Président.

Alain MALISSARD a fait d’abord un rapide compte-rendu de l’Assemblée Générale de l’Association qui a eu lieu à Paris au mois de juin dernier, ensuite le bilan de la saison passée, saison plutôt riche avec neuf conférences, dont six sur des sujets en rapport avec l’Antiquité, trois sorties théâtrales à Paris ( dont celle au Théâtre des Amandiers où une mise en scène  décapante  a revisité à la suite trois pièces de Sophocle: Les Trachiniennes, Antigone, Electre) et, au mois de juin dernier, la sortie littéraire de 3 jours dans le Bordelais avec “les 3 M”, Montaigne , Montesquieu et Mauriac, sortie qui a connu un franc succès. Après quoi il a brossé à grands traits le programme de la Saison 12/13 sous le signe de la diversité, où le théâtre sera encore largement représenté avec Giraudoux, Jean Vilar...et Molière, puisque, dans le cadre de notre partenariat avec le CDN, avant la représentation de Georges Dandin, Patrick Dandrey, professeur en Sorbonne, parlera du “Secret d’une comédie grinçante”.

Le sujet de la conférence qui a suivi : 
“Quand les murs racontent :
LES PAPIERS PEINTS DE JOSEPH DUFOUR
et l’invention d’un genre décoratif”
par Georgette PASTIAUX-THIRIAT  et Jean PASTIAUX
professeurs de Lettres
était pour le moins original, voire insolite, car on a peu l’habitude d’associer le nom d’un créateur aux revêtements de nos murs. Le papier peint- qui en réalité n’est jamais peint, mais imprimé à la planche a commencé à se répandre en Europe vers la fin du XVIIIe siècle, en même temps qu’ont progressé les techniques ainsi que le goût du bien-être, à l’époque des grands entrepreneurs comme J.H. Dollfus ou Oberkampf, pour ne citer que des noms célèbres. Or il y en a eu d’autres, sans doute plus modestes, et qui méritaient d’être réhabilités ;  c’est le cas de Joseph Dufour et s’il est aujourd’hui un peu mieux connu, c’est  grâce à G. et J. Pastiaux, qui s’intéressent à lui depuis 20 ans, ont créé un Centre de documentation et animé un Colloque en mai 2009 — avant de diriger un ouvrage collectif dans leur terre d’élection du Mâconnais : le village de Tramayes, chef-lieu d’un canton de Saône-et-Loire, non loin de Cluny et près du Saint-Point lamartinien.

G. Pastiaux retrace l’itinéraire de ce Louis-Joseph Dufour, né  en 1754 dans ce bourg agricole, fils d’un charpentier, orphelin de bonne heure, placé chez un oncle boulanger à Beaujeu, puis chez des officiers de justice — huissiers et greffiers où il fait son éducation “sur le tas” et, au moment de s’engager dans l’armée, a la chance d’entrer à l’Ecole royale de dessin de Lyon ;  ses dons artistiques vont sans doute se révéler dans  son futur métier de dessinateur en soieries. Mais au sortir de l’Ecole, en 1786, trois jeunes fils de famille fortunés lui proposent d’entrer dans une association en vue de fonder une  manufacture de  papiers peints, à l’instar de la mode anglaise. Ce projet a failli être ruiné par la Révolution, d’autant plus que J. Dufour, jacobin militant et franc maçon, a quelques ambitions politiques ; en effet en 93 il est commissaire, puis en 94 président de District à Lyon. Il échappera à l’épuration de 95, fort heureusement protégé par le député Jacques Reverchon, négociant en vins, qui lui proposera en 97 d’installer sa manufacture dans ses entrepôts de Mâcon, encouragé par le maire de l’époque, Jean-Adrien Bigonnet  soucieux de développer l’industrie et le commerce dans sa ville. Et, chance supplémentaire ! il épouse une jeune veuve, Joséphine Farge, fille de soyeux lyonnais qui lui apporte une jolie dot, ce qui lui permet de se lancer dans la réalisation des “tableaux-paysages” ou “panoramiques” qui feront sa notoriété.

En 1807 Joseph Dufour s’installe à Paris, au faubourg  Saint-Antoine, ”haut-lieu de la production artisanale et manufacturière de l’Ancien Régime”; le succès est immédiat et l’ascension rapide.  La Maison — devenue Dufour-Leroy en 1821   a acquis, à la mort de son fondateur, une renommée internationale ; elle exporte même au Nouveau-Monde.

De toute évidence, nous attendions des exemples et des illustrations ; ce fut l’objet de la dernière partie. Joseph Dufour  s’était rendu célèbre dès 1804 par le panoramique intitulé “Les Sauvages de la mer Pacifique” d’après un dessin de Jean-Gabriel Charvet inspiré par le troisième voyage du Capitaine Cook (que l’on peut voir au Musée des Ursulines à Mâcon) : une nature paradisiaque servant de décor à des créatures exotiques, heureuses et pacifiques... Les sujets antiques - chers au style Empire, comme Psyché et Cupidon (en réalité d’après un conte de La Fontaine avec des dessins de Gérard) constituent une autre veine; les grandes œuvres romanesques à succès ont  également inspiré Dufour qui avait des intentions esthétiques et morales affichées : Paul et Virginie, les Aventures de Télémaque et ce roman fleuve  de 1798 écrit par un  certain E. F. Lantier Les Voyages d’Anténor en Grèce et en Asie dont une scène de festin (faussement attribuée par Balzac au Télémaque) excitait la verve des convives de la Pension Vauquer.


Les Sauvages de la mer Pacifique

Une chose est sûre, c’est que le choix opéré par l’inventeur du panoramique reflétait le goût du public, et les œuvres littéraires évoquées faisaient partie de la culture de l’époque ; le papier peint pouvait sans conteste rivaliser avec les autres formes d’art. Et ce Joseph Dufour qui a été révélé grâce à la passion (et au talent) de Georgette et Jean Pastiaux restera un remarquable témoin de son temps ; de plus il a ouvert la voie à tout un style de décoration dont  nous reconnaissons encore aujourd’hui les qualités esthétiques.

samedi 29 septembre 2012

La Mouette de Tchekhov mise en scène par Arthur Nauzyciel



La représentation de "La Mouette" de Tchekhov, mise en scène par Arthur Nauzyciel, que nous avons vue grâce au "Pass Budé" a provoqué chez les Budistes, et aussi les autres spectateurs venus nombreux, des réactions diverses allant de la fuite discrète à l'entracte jusqu'à l'enthousiasme.
Pour essayer de mieux cerner le sens de la mise en scène d'Arthur Nauzyciel, deux sites me semblent apporter quelques éclaircissements :

Un entretien du metteur en scène avec Jean-François Perrier réalisé  peu avant la représentation : c'est ici. Il y expose sa conception du théâtre, sa façon de travailler avec les acteurs et ce qu'il a voulu mettre en valeur dans "La Mouette" présentée au festival d'Avignon.

Une courte vidéo avec le chorégraphe lors des répétitions : c'est là

Personnellement, je n'ai pas été convaincu par la mise en scène de Nauzyciel que j'ai trouvée grandiloquente à force de vouloir faire passer des messages sur la mission de  l'artiste et la nécessité d'un renouvellement des formes traditionnelles du théâtre, éléments retenus comme fondamentaux par le metteur en scène ainsi qu'il l'explique dans son interview. Ni les ballets, ni la musique auxquels Nauzyciel attache une importance extrême (recherche d'un spectacle global ?) ne m'ont paru apporter "un plus" à la pièce. Le ton déclamatoire et les déplacements des  acteurs m'ont semblé se faire aux dépens de l'expression des sentiments et de la psychologie des personnages.

Après toutes ces critiques, un point positif : la diction très claire et , au moins de ma place, parfaitement audible des acteurs, m'a permis de savourer la beauté de certains passages du texte.  

Pour conclure, je dois avouer que cette mise en scène qui bouscule quelque peu l'idée traditionnelle que j'avais du théâtre de Tchekhov, m'a conduit à approfondir cette oeuvre, dont je n'ai d'ailleurs qu'une connaissance très limitée. Rien que pour cette remise en question, je ne regrette pas cette soirée.

Le débat est ouvert.

Claude Alsac

dimanche 17 juin 2012

Sortie littéraire : trois jours de promenades dans le bordelais littéraire (12-14 juin 2012)


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Mardi 12 juin 2012peu après l'aube (6 h 30) une petite quarantaine de budistes se trouve rassemblée en gare d'Orléans. Embarquement ferroviaire ! 7 h 10 : nous mettons le cap sur Tours. À Saint Pierre-des-Corps, bref contact avec le quai, le temps d'emprunter notre TGV ; une fois installés, nous nous laissons glisser dans une douce somnolence avant de rejoindre Bordeaux, la cité des trois M : Montaigne, Montesquieu et Mauriac. Nous pénétrons bien avant midi dans la gare Saint Jean. Notre chauffeur Thierry, au volant de son car Richard nous attend. Il nous conduira pendant deux jours avec dextérité, nous faisant profiter de ses connaissances du milieu viticole avec une bonne humeur communicative.
Présentation de l'excursion par Alain Malissard

Gérard Lauvergeon, en géographe averti, déchiffre la région de l'Entre-deux-mers : Garonne et Dordogne, prenant appui sur les vues qui défilent à travers les vitres de notre car. 

André Lingois — notable amateur de Bourgogne — nous parle des vignobles qui tapissent les coteaux  bordelais aux douces ondulations.

Nous voici à Saint-Émilion : après avoir salué un grand pan de mur, vestige d'un couvent dominicain du XIIe siècle, nous nous arrêtons face à l'hôtel du Palais Cardinal où nous allons déjeuner ; halte réparatrice qui nous fait découvrir, de belle manière, la gastronomie régionale.

Nous partons ensuite à la découverte de ce bourg, symbole des vins de la région bordelaise. La vue sur les toits de briques rondes en amphithéâtre nous enchante. Arrêt sur image : Le cloître de la collégiale Saint-Émilion, dont la partie romaine nous séduit puis un autre cloître curieusement transformé en café champêtre. Nous n'avons pu voir l'église monolithe car le temps nous était compté. Avant de regagner le car nous admirons l'équilibre des pans encore debout de l'église des Dominicains.

Ayant rejoint notre car, nous écoutons André Lingois reprend sa présentation des vignes et du vin bordelais. Ensuite Marie-Hélène Viviani nous donne des indications biographiques sur Michel Eyquem de Montaigne, puis Gérard reprend la parole lorsque nous traversons Castillon la Bataille pour évoquer de la bataille qui a conclu la guerre de Cent ans en 1453.



Nous voici au château de Montaigne, guidés par une ravissante jeune femme qui nous promène dans le domaine du conseiller au parlement de Bordeaux. Entraînés par son accent chantant nous pénétrons dans la chapelle au bas de sa tour. L'abside est ornée d'une peinture murale représentant l'archange Saint Michel, patron de l'écrivain. L'étage suivant nous mène à sa chambre peu meublée : un lit à baldaquin fait face à la cheminée ; placé dans un angle nous contemplons une copie d'un buste de l'ancien seigneur des lieux. Au même étage, se trouve une petite pièce qui fut la garde-robe : de la fenêtre nous apercevons la tour de madame Montaigne un peu moins élevée que celle de son époux. 

Au troisième étage nous parvenons à la bibliothèque de l'auteur des Essais. C'est une très belle pièce, lumineuse, sans cheminée afin de prévenir les incendies destructeurs de livres. Sur les poutres, des sentences d'auteurs latins et grecs nous rappellent les affinités électives qui ont nourri l'œuvre de Montaigne.

Aucun livre n'est visible car sa fille Léonore les a tous dispersés afin que Marie de Gournay, amie érudite de Montaigne n'en bénéficie pas. Accrochée au mur figure une gravure du château tel qu'il était du vivant de Montaigne. Nous nous intéressons particulièrement au dessin représentant la bibliothèque installée par l'écrivain pour y recevoir les milliers de livres qui lui légua son ami Étinne de la Boétie. Sur une table-bureau, une page de manuscrit nous montre les innombrables rajouts écrits par son secrétaire
Château de Montaigne

À l'issue d'une dégustation du Bergerac — Château Michel de Montaigne — Marie-Hélène lit sur le perron de la maison vigneronne quelques pages des Essais de Montaigne.

Notre chauffeur nous dépose en fin d'après-midi au Novotel Meriadeck, proche du centre historique de Bordeaux. Nous y dinerons avant d'aller dormir comme des bienheureux.

Mercredi 13 mai, les demeures de Montesquieu et de Mauriac sont au programme…

vendredi 1 juin 2012

« Printemps arabe (s) : Les changements mènent-ils au…changement ? »



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Samedi 2 juin 2012 à 15 heures, dans la salle « Délicat & Scène » du Cinéma Les Carmes à Orléans aura lieu une conférence :

« Printemps arabe (s) : Les changements mènent-ils au… changement ? »

par le Dr Abdelkader ABID, cardiologue et facilitateur méthodologique.

Questionnement :
     Acteurs réels des printemps arabes et notamment la jeunesse encore dans l’attente d’un changement sociétal réel : politique et/ou institutionnel, économique et social ?
     Les changements constatés ont-ils impactés la société civile et le rapport des forces sociales issues des premières élections « libres, honnêtes et pluraliste » ?
     Peut-on répondre à ces questions et tracer des perspectives en identifiant les acteurs et leur rôle dans la conduite du processus de changement : élites intellectuelles, politiques, militaires, religieuses ? 

Organisation :
- Association de solidarité Loiret Algérie (ASLA), en partenariat avec
- La Ligue des droits de l’Homme (LDH) et 
- Les Amis du Monde diplomatique (AMD) 

Libre participation aux frais
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mardi 29 mai 2012

Le Mythe de Salomé ou les rêves d'Orient

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Jeudi 10 mai, dans un lieu inhabituel : la Salle du Kid au Carré Saint-Vincent — avant la représentation de la pièce d’Oscar Wilde au Théâtre dans une mise en scène de Jérémie Le Louet, présentée par l’ATAO :

Yasmin  HOFFMANN professeur d’allemand à l’Université d’Orléans
a prononcé une conférence sur:
LE MYTHE DE SALOME OU LES RÊVES D’ORIENT

D’emblée, le public  s’est imprégné du climat intellectuel qui régnait à la fin du XIX° siècle à Londres — et de là dans une grande partie de l’Europe — hostile à la vulgarité bourgeoise et au progrès industriel, recherchant les frissons, les séductions de la volupté et de l’érotisme dans une Antiquité exotique comme remède à l’ennui. D’où la floraison de ces deux créatures d’un Orient à la fois sacralisé et reconstitué, Hérodiade (la mère) et Salomé (la fille) souvent confondues dès les temps anciens, puisque cette confusion remonte au récit de Saint Isidore de Péluse, un moine du V° siècle.

Dans la pièce d’Oscar Wilde, écrite à Paris en 1893 et en français (l’auteur rédigea l’année suivante une version en anglais), Salomé, personnage-clef,  apparaît comme une synthèse de toute une tradition picturale et des créations contemporaines de l’époque, mais surtout elle incarne la femme fatale, lascive et ensorceleuse, dont la “danse des sept voiles” — imaginée par notre génial dandy (et que Flaubert avait entrevu sur un  tympan de la cathédrale de Rouen) — a suscité de nombreux fantasmes, au point de devenir le type même du ”mythe qui ne pouvait que ravir la bonne société européenne.” Salomé a tourné la tête de son beau-père, Hérode Antipas, tétrarque de Galilée, personnage veule, réduit à “une marionnette qui a peur des rumeurs, peur des Romains, peur de son ombre, peur des ombres et peur des fantômes — ceux des Innocents que son père a fait massacrer.”

Cela dit, Oscar Wilde  s’attache surtout au caractère scandaleux de la fille d’Hérodiade, toute à la manifestation de son désir et de sa jouissance , dont le paroxysme est atteint dans la scène où elle baise la bouche de Jean-Baptiste décapité et sanguinolent. Y. Hoffmann nous a lu cette scène à peine soutenable, mais transfigurée par un bel élan lyrique, où Salomé crie à la fois sa vengeance de princesse dédaignée, son amour et son désir: “j’ai baisé ta bouche, Ioakanann et  sur tes lèvres j’ai senti l’âcre saveur de l’amour.” Une telle jouissance solitaire relève d’une démesure inacceptable qui ne peut trouver son accomplissement que dans la mort…

Y. Hoffmann attire ensuite notre attention sur l’importance du regard dans cette tragédie, en rapport avec le dispositif scénique : la grande terrasse du palais d’Hérode, avec d’un côté une ouverture sur la salle du banquet , de l’autre une échappée sur la citadelle, offre un double éclairage sur Salomé. A l’extérieur, celle-ci est vue par le jeune capitaine des gardes (appelé Narraboth  dans le drame lyrique que Richard Strauss adapta en 1905 de la pièce d’Oscar Wilde — et dont nous avons entendu un magnifique extrait) à la fois comme idéalisée et désirée, tandis qu’à l’intérieur, elle est “déshabillée par le regard concupiscent d’Hérode” et devient en quelque sorte “un corps réduit au regard”. On peut dire que l’action dramatique progresse sous les effets produits par les différents regards, et, dans ce jeu de miroirs déformants, “dans cette ronde de craintes et de désirs qui font tourner les personnages en rond autour d’eux-mêmes, la pièce avance, inexorablement, vers son destin”. 

Comme il m’est difficile de rendre la richesse et la profondeur de l’analyse de la dernière partie de la conférence, je me contenterai, en guise de conclusion, de laisser la parole à Y. Hoffmann :
“La Salomé d’Oscar Wilde est une héroïne de l’aube du XX°siècle, comme la Loulou de Pabst ou la Mélisande de Maeterlinck.. Elle a cristallisé tous les thèmes qui ont servi d’exutoire à la bonne société désireuse d’échapper à l’ordre moral : le goût du pouvoir, la jouissance, la cruauté, le jeu, le désir morbide ou le couple : Éros / Thanatos…
C’est un continent noir auquel le monde européen s’éveille, entre Paris, Londres et Vienne…” 
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