mercredi 31 décembre 2014

Meilleurs vœux pour l'année 2015


Le bureau de l’association 
orléanaise Guillaume-Budé 
vous souhaite 
une excellente année 2015.


Fêtons donc seulement janvier, premier mois 
qui nous hisse vers une lumière plus généreuse 
et voit les jours grandir.
Colette, Belles saisons, 1941.

lundi 22 décembre 2014

Pourquoi la France a-t-elle gagné la guerre de 1914 ?

.
Ce samedi 18 octobre, la Section orléanaise de l'Association GUILLAUME BUDE recevait le Professeur Antoine PROST, bien connu à Orléans puisqu'il a enseigné l'Histoire contemporaine à l'Université et qu'il a été adjoint à l'Urbanisme dans la municipalité Sueur (1989-2001). Professeur à la Sorbonne, auteur de nombreux ouvrages sur les Anciens Combattants, la Grande Guerre ou l'Enseignement, il est aujourd'hui Président du Conseil scientifique de la Mission du Centenaire de la Guerre 14-18. Il avait accepté de répondre à la question « Pourquoi la France a-t-elle gagné la guerre de 1914 ? »

Ce n'est pas une question simple car si au départ, la représentation que civils et militaires ont de la guerre est celle de 1870, ce conflit est très différent. Il implique plusieurs nations et nécessite un engagement total des hommes, de la société et de l'économie. Aussi, dans le cheminement qui conduit à la victoire, Antoine PROST distingue trois phases : 
1. La guerre des poitrines.
2. La guerre des machines.
3. La guerre des civils.
Dans la première phase, la guerre a failli être courte, conformément au Plan Schliffen par lequel les Allemands comptaient régler le sort de la France en six semaines avant de se retourner contre les Russes. Mais Von Kluck n'a pas respecté la stratégie d'ensemble en infléchissant sa marche vers le sud-est alors que le Haut Commandement allemand à Luxembourg était trop loin de l'action. D'autre part, la résistance des soldats français a permis une retraite en bon ordre pendant que les Anglais, par leur présence dans le Nord, apportaient une contribution qui doit être remise en lumière. Enfin, alors que les Allemands avaient estimé que la mobilisation des Russes serait lente et durerait au moins un mois, les lignes ferroviaires stratégiques financées par les emprunts permirent des attaques sur le front de l'Est, obligeant les Allemands à prélever deux divisions à l'Ouest.

Aussi la bataille de la Marne se traduit par un siège réciproque de 700 km de long avec des défenses en profondeur rendant la percée impossible comme le démontreront les échecs de Champagne, de la Somme ou du Chemin des Dames. Le front allemand est bien organisé avec des tranchées bétonnées sur plusieurs lignes alors que le front français, mal organisé, comporte des aménagements succincts. Quand les Allemands attaquent, les Français sont en difficulté car leur artillerie est surclassée. Si le canon de 75 est bon, ils possèdent peu d'artillerie lourde à longue portée avant 1916. Les pertes sont considérables de part et d'autre, ce qui explique que les Allemands ont manqué d'hommes pour exploiter leurs succès de 1918, alors que les Français ont été secourus par 1 800 000 Américains et Canadiens.

Après le moment où la France ne peut opposer à l'attaque allemande que les poitrines de ses soldats, la guerre évolue vers une guerre industrielle. C'est l'époque de la guerre des machines. Il faut fabriquer en grande quantité des canons, des obus, des mitrailleuses, des fusils, des avions, des tanks pour épargner les vies humaines. Cela nécessite des matières premières pour un pays en partie occupé et qui doit compter sur les importations à organiser puis à répartir facilitées par une relative maîtrise des mers. Il faut aussi mobiliser une main d'oeuvre abondante ; ainsi en novembre 1918, il y avait 1 700 000 ouvriers dans les usines d'armement (480 000 militaires, 430 000 femmes, 427 000 civils, 133 000 jeunes, 100 000 étrangers comme des Chinois ou des Indiens, 60 000 gens des colonies). La présence des femmes est plus grande en France que dans les autres pays, déplacées du textile ou de la domesticité vers l'armement.

En Allemagne, le moins grand nombre de femmes à l'usine oblige à retirer 1 900 000 soldats du front et des erreurs de planification dans les grandes usines conduisent au gaspillage et à une diminution de la production d'acier.

La troisième phase, la guerre des civils concerne surtout le problème des rapports entre le pouvoir civil et le pouvoir militaire. En France, au début de la guerre, s'impose le pouvoir militaire grâce à la loi de 1849 sur l'état de siège lui conférant sur l'ensemble du territoire la police, l'ordre public, la censure. Et le départ du gouvernement pour Bordeaux semble accentuer cette emprise. Mais les crédits de guerre n'ont été votés que pour six mois et le Parlement en décembre 1914 ne les vote que pour six autres mois. Ainsi les séances de la Chambre et du Sénat reprennent, les commissions parlementaires fonctionnent, la vie parlementaire continue au long des sept gouvernements successifs. Le pouvoir civil s'exerce obligeant les militaires à accepter bien des mesures comme l'institution des permissions, la révision de jugements des tribunaux militaires, le développement de l'artillerie lourde. La République ne se révèle pas faible. L'administration joue son rôle avec efficacité (réquisition des chevaux, du fourrage, attribution du ravitaillement, du charbon, rationnement du pain, gestion des réfugiés, colis aux prisonniers, etc.) Toute une mobilisation philanthropique concourt à multiplier les infirmières.Et si les grèves sont réprimées par le ministre de l'Intérieur, le malaise social est géré avec souplesse.

En Allemagne, le pouvoir militaire ne cesse de s'imposer, fixant dès octobre 14 le prix des pommes de terre et du pain, déclenchant le marché noir et la pagaille administrative. Ce sont les militaires qui contrôlent de plus en plus le pouvoir politique, obtenant la tête du Chancelier Bethmann-Hollweg et choisissant le suivant. Les grèves sont durement réprimées et le blocus sévère engendre pénuries et injustices. Aussi la situation se dégrade t-elle, des bandes hantent villes et campagnes, les déserteurs se multiplient, entraînant le délitement de l'armée. À la militarisation croissante du côté allemand s'oppose le bon fonctionnement de l'administration du côté français, dans le cadre républicain.

Qui a donc gagné la guerre ? À la fois, les soldats, le matériel, les civils, les alliés, les empires coloniaux, la République.

Cette conférence a suscité de nombreuses questions élargies à l'ensemble du conflit, démontrant l'intérêt du public, venu nombreux et qui a manifesté par ses applaudissements nourris toute sa satisfaction.



.

jeudi 18 décembre 2014

Remerciements

.
Catherine Malissard et ses enfants vous remercient très sincèrement de vos témoignages de sympathie lors du départ d'Alain.

Il fut une belle personne attachée comme vous le savez aux valeurs de l'humanisme.

Il nous manque beaucoup.
.

lundi 1 décembre 2014

Artaud-Barrault, force et folie

.
Les Budistes ont bénéficié hier d’un spectacle particulièrement émouvant, voire éprouvant, tant sa charge d’humaine souffrance était forte, et propre à nous renvoyer  à d’intimes blessures.

En ouverture, et au nom des Amis de Max Jacob, Patricia Sustrac a  rendu un hommage sobre et sensible à notre président Alain Malissard, très présent dans l’esprit de tous dès le seuil passé du théâtre d’Orléans.

Un montage d’images de l’INA Jean-Louis Barrault, une vie sur scène nous a d’abord plongés, aux côtés de cet acteur et  metteur en scène à la diction nerveuse, vigoureuse, dans les arcanes du monde dramatique : la clé du théâtre, répétait Barrault, c’est de nous livrer à notre humanité, d’en initier le sens, d’en lire sans cesse l’obscure partition. Les archives en « noir et blanc », outre leur pouvoir de nostalgie (bonheur d’entrevoir Madeleine Renaud, Alain Cuny, Laurent Terzieff…) renvoyait à un temps révolu et sombre où la figure torturée d’Antonin Artaud pouvait ainsi surgir.

Ni lecture, ni spectacle. Les lettres d’Artaud à Barrault, envoyées comme des bouteilles à la mer de Rodez où il est interné, sont proprement incarnées par le comédien Stanislas Roquette. Au fil de ses délires mystiques, des états de douleur inouïe dans son âme et dans ses os, de ses demandes simples – une réponse, un signe - Artaud garde la conscience aiguë de son être qui palpite et de la théâtralité peut-être inhérente à notre humanité. L’acteur peu à peu dessine une silhouette qui se ratatine, se tord, se révolte : la scène devient chaos, comme l’esprit d’Antonin. Nous n’entendons pas les retours que Barrault dut lui écrire : cet assourdissant silence intensifie encore la solitude de l’exilé aux confins de la raison ou au bord de la vérité.


Oui, le théâtre peut constituer pleinement un lieu de méditation sur soi, surtout dans l’excellence d’une telle prestation. Merci à Stanislas Roquette et au metteur en scène Denis Guénoun.



La soirée Lettres et souvenirs croisés entre Antonin Artaud et Jean-Louis Barrault faisait partie de la "Carte-Pass Budé-CDN" 2014-2015. Elle était organisée par le CDN Orléans/Loiret/Centre en partenariat avec les Amis de Max Jacob .
.

lundi 13 octobre 2014

Le patriotisme de Charles Péguy

.
Le jeudi 25 septembre à 17h à l’Auditorium du Musée des Beaux-Arts a eu lieu la traditionnelle séance de rentrée de la Section orléanaise de l’Association Guillaume-Budé. 

Jean Nivet a d’abord présenté les excuses de notre Président empêché pour un temps par la maladie. Alain Malissard a donc confié provisoirement ses tâches aux membres du bureau, en particulier à Nicole Laval-Turpin qui a accepté  d’assumer la charge de vice-présidente. Celle-ci a lu le message du Président - tout au regret de ne pouvoir être présent le jour où l’on fête ses 25 ans de présidence, mais assurant que « s’il avait manqué le début, il nous rejoindrait assez vite en cours de route… » Jean Nivet a repris alors la parole pour évoquer ce double anniversaire : les « noces d’argent » du Président et les 60 ans de présence budiste à Orléans. 


Et de rappeler les origines de notre association : un jour de juin 1953 (le 28 exactement) dans la cour de l’école de Tavers, à l’occasion de la commémoration de la naissance de Jules Lemaître, lors d’une conversation entre Jacques Boudet, alors professeur de khagne au Lycée Pothier et Germain Martin, directeur  régional de la Régie Renault, par ailleurs  humaniste convaincu ; l’événement a été officialisé un peu plus tard (en novembre  1954) lors d’une réunion salle Hardouineau, relaté dans la République du Centre sous la signature de Jack Chargelègue (devenu par la suite grand reporter à Paris-Match). Dés la constitution du premier Bureau qui réunissait  ceux qu’on appelle  « les Pères Fondateurs » : Mgr P. M. Brun, Lionel Marmin, Michel Adam, Georges Dalgues et Michel Raymond (récemment disparu), l’association faisait déjà preuve d’un dynamisme qui ne sera jamais démenti : en soixante années, 358 conférences, 55 excursions à thème littéraire, et depuis la présidence d’Alain Malissard, vingt grands voyages — jusqu’en Libye et en Egypte — ont été organisés. En somme, un bilan qu’on peut afficher avec quelque fierté…

Selon l’usage, il a été fait mention des activités de la dernière saison (laquelle avait débuté par une lecture à quatre voix — illustrée de nombreuses reproductions — intitulée  « Diderot et les peintres de son temps »), avant l’annonce du programme futur dont les dates sont fixées : 

  • le 18 octobre : Antoine Prost : « Pourquoi la France a gagné la Guerre de 14 ? », 
  • le 25 novembre : une Table Ronde sur le thème : « Penser la guerre, Ecrire la guerre » avec la participation de Florence Aubenas, Benoît Durieux, Eric Germain, Georges Malbrunot et Denis Pernot. 
  • le 13 décembre : Odon Vallet, historien des religions : « Le livre a-t-il encore un avenir ? », 
  • le 15 janvier 2015 : Michelle Perrot, professeur émérite à Paris VII : « Cellules et chambres », 
  • le 10 février : Bertrand Hauchecorne : « les mots et les maths », 
  • le 26 mars : Jean-Pierre Sueur : « Victor Hugo sénateur », 
  • le 9 avril : Anne Lauvergeon : « Innovation et humanisme ». 
Il faut ajouter qu’à l’occasion du 60e anniversaire, au cours du premier trimestre 2014, une « surprise » sera proposée à tous les budistes et sympathisants.


Nicole Laval-Turpin a inauguré ses nouvelles fonctions en présentant la première conférence de la Saison 2014/15  
Le patriotisme de Charles Péguy  
prononcée par Géraldi  LEROY, professeur émérite à l’Université d’Orléans, auteur de nombreux ouvrages sur l’auteur du Mystère de la charité de Jeanne d’Arc dont le dernier vient de  paraître chez Armand Colin sous le titre: Charles Péguy l’inclassable. 
D’emblée, Géraldi Leroy a intrigué ses auditeurs par une citation sur le « rire de guerre », qui témoigne d’un mépris du danger et redonne de l’espoir. Son auteur — bien oublié de nos jours — s’appelle Henri Lavedan, à peu près  contemporain de Péguy (d’une douzaine d’années plus âgé), orléanais lui aussi, mais farouchement antidreyfusard et chantre d’un patriotisme cocardier, de plus académicien très en vue : en un mot aux antipodes de notre écrivain engagé qui n’a rien d’un belliciste et n’envisage la guerre que comme défensive. L’ idée de revanche lui est étrangère ; il reste dans l’esprit d’un « nationalisme de gauche », avec des références aux révolutionnaires de 93. Il croit à une guerre juste et l’exprime dans Eve :
« Heureux ceux qui sont morts pour la terre charnelle,
Mais pourvu que ce fût pour une juste guerre… »

S’il manifeste une certaine allégresse au moment de la mobilisation, c’est qu’il a partagé les illusions d’une offensive de courte durée, sans mesurer l’ampleur du conflit, ni considérer sa dimension industrielle. Cependant son relatif optimisme ne lui a pas caché l’extrême tension provoquée par la crise de Tanger au printemps 1905 (comme en témoigne Notre Patrie publiée dans les Cahiers de la Quinzaine). Géraldi Leroy met à juste titre l’accent sur l’éducation patriotique qu’il a reçue à l’école annexe auprès des « hussards noirs de la République », une éducation reposant sur un concept messianique de la France érigée en arbitre et en défenseur de le liberté, et qu’il ne peut renier — difficile dans ce cas d’assumer un pacifisme serein. Devant le péril, il faut faire face, avec sang froid et courage, comme  Jeanne d’Arc ( dans la première version de 1912) qui assure que « pour éradiquer le mal, la prière ne suffit pas ! » La crise de 1905 a donc ravivé « la voix de mémoire », celle de l’école républicaine, et celle des lectures de l’enfance. Parmi celles-ci, le poème des Châtiments qui s’ouvre par cette envolée: « O soldats de l’an deux… » demeurera pour lui un exemple…

Dans la dernière partie de son propos, Géraldi Leroy s’est attaché à évoquer la façon dont le soldat Péguy a vécu la guerre, en particulier d’après la quarantaine de lettres envoyées du front, lettres aussi concises que discrètes sur l’existence quotidienne du combattant. Nous avons suivi son itinéraire depuis le jour de son enrôlement (le 4 août) jusqu’à son arrivée aux environs de Meaux, après une retraite pénible, exactement à Villeroy où sa compagnie reçoit  le 5 septembre l’ordre d’attaquer l’ennemi solidement installé sur les hauteurs de Montyon : une mission périlleuse, pour ne pas dire impossible. Le lieutenant Charles Péguy, resté debout après avoir protégé ses hommes, tombe d’une balle en plein front. Par cet acte de bravoure, voire de témérité, il a renoué avec la geste héroïque des révolutionnaires de 93, en même temps qu’il trouve une forme d’épanouissement dans ce sacrifice consenti - et peut-être même secrètement désiré…

Pour résumer la conclusion de G.Leroy, quitte à nous répéter, disons que l’attitude de Péguy n’a jamais été conquérante, ni belliciste. Ce qui est sûr, c’est qu’elle reflétait celle la majorité de ses contemporains, et surtout celle du peuple, et du peuple le plus humble, celui des paysans, vignerons et artisans du faubourg Bourgogne dont il se sentait si proche. Pour tous ces hommes, la tâche était toute simple : quand la Patrie était en danger, il fallait courir aux armes. Et c’est cet esprit qui a permis le sursaut de la bataille de la Marne et qui a donné la foi en la victoire. L’exemple de Péguy restera un modèle à suivre…


André LINGOIS

.

mercredi 4 juin 2014

Sortie à Paris du 9 mai 2014


.
Le dimanche 9 mai, une trentaine de budistes ont participé à une sortie parisienne qui leur a permis de voir l'exposition Moi, Auguste, Empereur de Rome au Grand Palais, puis d'assister à une représentation de Tartuffe dans une mise en scène de Luc Bondy à l'Odéon, salle des Ateliers Berthier.


Cette journée fut un succès tant par la justesse du regard porté sur l'Antiquité que sur la pièce de Molière. Vous pouvez lire les deux exposés qui furent proposés dans le car, en route vers Paris (en suivant les liens ci-dessous) :


mardi 27 mai 2014

Solange Lauvergeon chevalier de la légion d’honneur

.
Nouvel hommage aux femmes de notre association orléanaise Guillaume  Budé !  
Il y a quelques mois, le 22 septembre 2013, sur notre blog, j'ai eu le plaisir d'évoquer l’une de nos amies, Catherine Martin-Zay, particulièrement honorée le jour où elle reçut, dans sa librairie, la médaille d'Officier des Arts et des Lettres, des mains de la ministre de la culture, Aurélie Filippetti.

Depuis ce temps, l’une de nos “budistes“ fidèles, fut distinguée, à son tour, dans notre cité Johannique. Le soir du vendredi 21 mars 2014, une cérémonie particulière mit en pleine lumière, Solange Lauvergeon, qui dut monter sur le podium pour recevoir une décoration prestigieuse dans un lieu symbolique, soit l'Hôtel de Région sis au flanc de la cathédrale d'Orléans. Notre amie reçut la médaille de Chevalier de la Légion d’Honneur non seulement pour récompenser une carrière professionnelle bien remplie mais aussi pour saluer toute une vie d'engagement au service de ses concitoyens. Michel Sapin, ministre du Travail, de l'Emploi et de la Formation professionnelle, lui remit les insignes de cette distinction, sous la Présidence de François Bonneau, président de la région Centre. Ils  nous firent entendre de beaux discours fleuris autant qu’explicatifs, tandis que M. le sénateur Jean- Pierre Sueur alignait sa haute silhouette auprès d'Anne Lauvergeon, rayonnante de fierté filiale. On le serait à moins !

À mon tour, je  voudrais, à ma façon, dire "Deux ou trois choses que je sais d'elle" un peu, à la manière indirecte de Jean-Luc Godard dont le film fait parler la Ville à travers un portrait de femme. Dire “ Solange “ - côté cour et côté coeur - telle qu’elle me toucha au cours des années remplies de rencontres, de voyages, de promenades : multiples occasions de converser selon notre humeur, multiples occasions de respirer la vie qui court et qui  nous mène à bout de souffle. 

Loin de moi l’idée de me lancer dans une hagiographie de Solange, une histoire édifiante ! même si parfois, je l’avoue, j’aperçois quelques ronds d’auréole flotter au-dessus de sa tête comme un halo baladeur, perceptible seulement à ceux qui la connaissent bien ! J’aimerais la cadrer dans une image “ juste “, la peindre sans la chamarrer de couleurs voyantes, esquisser d'un trait net une silhouette de femme sobrement élégante, l'une de celles qui pourrait illustrer une citation de Coco Chanel "La mode se démode, le style jamais".



Ce soir-là, nous eûmes la démonstration de son style personnel. Car la modestie de Solange dut-elle en souffrir, notre amie fut admirée, louangée, applaudie. Sous l’éclat vif des projecteurs et celui des regards aiguisés, notre amie starisée fit entendre sa voix calme et sans emphase, dans le silence plein d’empathie que l’on réserve à l’élue du jour sanctifiée sur l’autel de la célébrité, belle éphémère inscrite au jour “J “ du calendrier.  

Une fois descendue de l’estrade honorifique, 
Solange  reprit son parfait naturel, 
se baigna dans les effluves d'affection démonstrative et spontanée.
Elle  flâna à son aise, au milieu du parterre, cueillant, par ci par là, les fleurs des compliments enrubannés. 
Congratulations !
   
Bruissement de la foule qui fit un glissando vers l’espace dînatoire. Ouverture du buffet ! 
Ce fut l’heure de s’extasier sur les mets étalés en parfait appareil, gamme de nourritures à flatter les papilles en éveil.  
Le vin remplit les coupes et l’on trinqua ! Belle ambiance et joyeux brouhaha ! 
Gaudeamus ! C’est l’heure des libations autour de Solange, Mater Alma !    
La fête battit son plein de délices gourmands et de propos en verve, de rires sans réserve ou qu’on réserve à ces heures colorées… Allegro vivace ! 

Verre en mains, un peu sur le retrait, je regardais Solange enveloppée d’encens.
et me mis à soliloquer, réfléchissant : 
Ah! ce n’est pas simple de parler d’Elle !” 
car sa simplicité est justement le signe distinctif d’une forte personnalité.
Femme de cœur en toute discrétion, chaleureuse sans ostentation. 
Réserve marquée d’élégance, bien connue de ceux qui l’approchent,
amis et complices du chemin parcouru.

Au fil des ans d’une mutuelle découverte, je fus souvent frappée par sa faculté d’écoute et de compréhension,
sa réticence à tout déballage personnel, son rejet des Fausses Confidences, cette forme d’hypocrisie mondaine à laquelle nous sacrifions peu ou prou, par goût du jeu social. 
Son “Je “ à elle n’a rien d’un ego narcissique. 
Il se plaît au “nous “collectif, amical,    
ou bien au tutoiement qui met à l’aise,
signe d’attention à l’autre, en veine de confidences. 

Pour caractériser Solange, selon ma fantaisie, à propension lyrique, 
j’aimerais “situer mon sujet“  sous l’égide de Max Jacob,
expert en l’art d’étirer des portraits, classiques, cubistes ou drolatiques ! 

Son prénom, à lui seul, fait lever des images   
et la place en situation élevée. 
De quoi jouer avec les mots sortis de mon Cornet à dés. 
J’aime ses deux syllabes qui s’épousent et scandent
l’union intime d’un Sol où s’enracine quelque chose d’un Ange. 

L’acuité de son regard clair, 
les traits de son visage disent la fermeté d’un énergique caractère,
autant que son pas élastique…. 
musique en Sol, clavier bien tempéré, partition éclectique. 

Dès qu’on l’appelle,
Sol-Ange prend son envol.  
En main, sa clé de Sol,
accourt, à tire d’ailes, secouriste zélée …     
puis reprend forme humaine, 
pieds plantés sur un Sol malmené ,      
qu’elle arpente en Solide terrienne, 
Solidaire et sereine. 

Clé de Sol d’un cœur à l’écoute du monde, 
de ses accents polyphoniques
elle chante  
dans ce concert à l’unisson
où j’aime Solfier avec elle.  
J’entends jouer la note unique 
de sa rythmique personnelle 
au plus juste de la partition.  

Les souvenirs affluent en cascades irisées   
tandis qu’elle évolue 
dans le tourbillon ordonné 
de cette soirée Lauvergeon. 
M’envahissent pêle-mêle des images à foison 
qui surfent sur la vague de nos lieux de voyages,     
lieux de partage, plaisir et badinage … 
Solange que j’appris à connaître au quotidien de nos balades
dans ses élans d’admiration, sourire et pied léger.  
Cailloux ensoleillés. 
Si d’aventure,vous trébuchez,
elle se trouve à vos côtés 
tout naturellement…

Je la revois dans la gaieté de ces moments ludiques
quand nous foulions les sols antiques,  
sous l’aimable conduite  d’Alain le magister 
notre oracle tant savant qu’écouté … 
et celle de Gérard estampillé “le géographe“ 
celui qui fait lever les paysages, 
patenté cartographe. 
Je les ai vus prendre forme et visage 
magiquement. 

Nous volons sous le signe de la Chouette, vers le pays Hellène 
l’ile-piton de Santorin, la Crête minoenne , 
le Prince fleur de lys, aisance souveraine,  
Le pays sanglant des Atrides, Agamemnon, Hélène… 

Visitons l’Italie, 
Campanie et Capri … 
Syndrome de Stendhal, extase  garantie
Voir “Naples et mourir…“ 
La Toscane : “Ah!  mon Dieu que la mort  est jolie 
au ciel des tombeaux  peints de l’Étrurie… ! “  
Il y eut aussi L’Angleterre romanisée 
mais je ne peux m’éterniser… 

La fête a perdu ses couleurs… Je reviens à la réalité  
Il est temps de laisser Solange qu’entoure son cercle familial. 
En la quittant,
j’entendais bruire le chant choral 
des enfants réunis 
autour de la Chevalière Solange 
près de Gérard, fidèle chevalier, en duo d’harmonie…

Avant de m’en aller,
un regard qui s’attarde  !  
Moment furtif
bref arrêt sur image !  
“Ô temps suspends ton vol ! “ 
Je tiens Solange, cadrée dans mon viseur, 

et je la “Flashe“ juste en plein  cœur…
.