samedi 31 décembre 2011

Champagne !

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Pour fêter la fin de l'année 2011, France Culture vient de proposer à ses auditeurs une semaine spéciale consacrée au vin.
Toutes les émissions "Sciences" (de 14 à 15 heures, tous les jours ouvrables) de cette antenne nous ont régalé les oreilles de glouglous et autres éclatements de bulles…
Voici le programme que vous pouvez, à loisir, écouter de votre fauteuil, peut-être un verre de champagne à la main :
Si vous cliquez sur le titre de l'émission vous pourrez lire sa présentation, puis en cliquant sur le gros bouton rouge décoré d'une flèche blanche, vous pourrez écouter la dite émission (n'oubliez pas de monter le volume de votre ordinateur).
Au cas où vous voudriez conserver ces émissions (ou plus tard, lorsque les liens ci-dessus n'existeront plus, les écouter) c'est par ici (cliquez sur les liens ci-dessous, puis, une fois la page chargée, sur Download) :
Bonne écoute !

PS :  en cliquant sur le titre de ce billet vous pouvez retrouver une synthèse de cette initiative roborative et d'autres liens viniphiles.

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jeudi 22 décembre 2011

L'Orient aux Rendez-vous de l'histoire

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Quelles que soient les bonnes raisons qui vous ont fait manquer les 14e Rendez-vous de l'histoire de Blois (13/16 octobre 2011) : trop de monde, trop de bruit ou pas assez de… vous pouvez maintenant depuis votre cher fauteuil, écouter et réécouter toutes les interventions, visionner certains débats et conférences qui se sont tenus dans l’hémicycle de la Halle aux Grains et même profiter du concert baroque "à la cité interdite",…

Je résume :
Joyeux Noël…
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lundi 19 décembre 2011

BnF - Exposition - Boris Vian

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Actuellement la BNF propose une exposition sur Boris Vian. Comme il est probable que peu de budistes se déplaceront à Paris pour la voir, voici quelques remarques relatives à l'exposition virtuelle que cette institution consacre à l'homme à la trompinette.

C'est un bel exemple de la manière dont le web peut compléter une exposition en présentant l'essentiel des pièces produites. Certaines œuvres, tels des manuscrits, peuvent être longuement consultés dans le confort de notre fauteuil. Nous avons aussi la possibilité de continuer à consulter ces pages électroniques lorsque les portes de l'exposition auront été fermées. Bien sûr, il y a le catalogue, mais ici outre les textes, nous pouvons regarder des vidéos, des images et des pages de manuscrits que l'on agrandit à son gré…

Mon propos vise aussi à montrer la richesse du site de la BNF qui comprend de nombreuses "pages" relatives aux précédentes expositions, une présentation de "Casanova, la passion de la liberté" (plus médiatisée, c'est pourquoi j'ai choisi de parler de Vian) et même des présentations d'expositions qui vont bientôt ouvrir comme les "Miniatures flamandes".

Revenons à notre exposition virtuelle Boris Vian. La navigation n'est pas toujours des plus simples mais en s'accrochant un peu, on est récompensé en voguant de découvertes en surprises… C'est par ici !

Au bas de la page d'accueil, vous accéderez aux différents chapitres de cette exposition virtuelle
  • EN IMAGES nous propose une video de présentation où nous reconnaissons la charmante Anne Mary, commissaire scientifique de cette exposition ; elle était intervenue au dernier colloque Max Jacob.
  • deux MANUSCRITS (L'Écume des jours et J'irai cracher sur vos tombes), que nous pouvons entièrement feuilleter sur notre écran, éventuellement agrandir le texte ou l'imprimer : c'est superbe… (remarque : on tourne les pages en cliquant sur les rectangles situés sous le bandeau du haut de la page)
  • LE DOSSIER comprend sept thèmes : le jazz, le roman, l'affaire J'irai cracher... la Pataphysique, le théâtre, la chanson et la postérité.
  • quelques repères complètent cet ensemble (chronologie, bibliographie, v comme Vian... et ressources)

Si vous n'en avez pas assez, en cherchant sur Google (Vian BNF) vous trouverez d'autres documents… (voir plus bas) et puis comme moi vous pourrez avoir envie de visiter l'exposition, "en vrai" à Paris…

Quelques compléments :
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dimanche 4 décembre 2011

Les séries télévisées historiques

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Le mardi 22 novembre
Marjolaine  BOUTET  
maître de Conférences en histoire contemporaine
à l’Université de Picardie - Jules Verne
a traité un sujet d’actualité:
Les séries télévisées historiques

Notre invitée, spécialiste de la question, et auteur d’un classique : “Les séries télévisées pour les Nuls” (ouvrage qui, entre nous, s’adresse  autant aux connaisseurs qu’aux profanes) a rappelé  d’emblée le très grand succès outre-Atlantique depuis plus d’un demi-siècle  de ce genre nouveau et qui se répand sur nos écrans domestiques en prenant la place du feuilleton du XIX° siècle. Il s’agit donc bien d’un phénomène social et culturel qu’on ne saurait minimiser.

Et, parmi ces séries — œuvres de fiction découpées en épisodes — celles qui s’appuient sur des  événements ayant eu lieu figurent parmi les plus populaires, ce qui traduit le besoin du public de revisiter l’Histoire et de la mettre en rapport avec l’époque contemporaine.

Mme Boutet a montré ensuite l’évolution de ces séries au cours du XX° siècle: d’abord  aux U.S.A. les classiques” (exemple :  le thème inusable de la conquête de l’Ouest), tandis qu’en France les émissions du genre “la caméra explore le temps” ont les faveurs du public. Le but est l’édification du spectateur ; aux USA, les intentions moralisantes sont évidentes ; en France, ces intentions sont plus discrètes, laissant cependant transparaître un culte du sentiment national. Dès le début du XXIe siècle, s’opère un net changement : l’Amérique  porte un regard neuf et sans concession sur son passé ; l’anti-héros est désormais son emblème. Dans les séries françaises, le récit  devient distancié et critique et la vérité historique, une notion relative, variant selon l’époque et les sources. Il ne faut pas oublier que la démarche de l’historien se différencie nettement de celle du scénariste : le premier vise l’objectivité en multipliant les points de vue, le second revendique sa subjectivité et son point de vue unique.

Notre conférencière a cherché à définir les éléments d’une “bonne série historique”: celle-ci peut montrer, entre autres, des tranches de vie quotidienne, avec ses désordres, ses violences et ses laideurs ; elle doit éviter le plus possible tout discours moralisateur comme tout manichéisme. Et de prendre des exemples de ces séries télévisées — pour la plupart américaines. La première, ”Rome” en 24 épisodes (sur la chaîne H.B.O) a intéressé un large public. C’était une réalisation grandiose tournée à Cinecitta, avec  un  énorme budget, plus de 4000  figurants et une reconstitution extrêmement soignée ; elle a cependant évité les “scènes à faire”, ainsi que les clichés inhérents aux peplums, obligeant le spectateur à questionner l’histoire ; d’autre part le recours aux personnages fictifs a suscité des éclairages nouveaux sur la  société et donné la voix aux  petites gens. Une telle vision de  la Rome antique a offert une réflexion sur le pouvoir et sur l’opinion publique — deux sujets très actuels.

Mme Boutet a passé en revue d’autres séries comme celles qu’elle qualifie de nostalgiques, telle “Happy Days” (une rétrospective idéalisée des années 50) ou celles, nettement plus irrévérencieuses, comme “Mad Men” qui  va à l’encontre de la nostalgie optimiste et souligne la violence des rapports sociaux, mettant en évidence une critique du fameux “rêve américain”. D’autres séries (comme “Les Têtes brûlées” ou “Papa Schulz” ou encore “The Pacific”) ont révélé un regard plus objectif et plus libre sur certains aspects de la dernière guerre mondiale, avec une recherche  permanente de l’authenticité et du témoignage vécu, même au détriment de l’image traditionnelle du grand peuple libérateur.

Nous avons retrouvé un monde plus familier avec “Un village français” diffusé à partir de juin 2001 sur FR 3. Cette série avait pour ambition d’évoquer les années d’occupation dans une petite ville imaginaire du Jura : un microcosme centré sur des personnages qui n’échappent pas toujours aux stéréotypes, mais restent dans une vraisemblance crédible ; leurs auteurs ont réussi à créer une histoire attachante  inscrite dans la durée. Et les conflits qu’ils présentent, entre valeurs et idéologie, entre devoir et confort, se retrouvent dans notre actualité.

Les auditeurs, même s’ils n’étaient pas tous connaisseurs en séries américaines, ont écouté avec intérêt et plaisir Marjolaine Boutet, qui, dans sa conclusion, a précisé qu’il fallait regarder ces productions  dans une perspective critique : ainsi celles-ci nous apprendraient autant sur l’époque de leur production que sur le passé, si soigneusement reconstitué soit-il.




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mercredi 30 novembre 2011

Sophocle dans la mise en scène de Wajdi Mouawad

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Après les moments forts vécus lors de la sortie de notre association au Théâtre des Amandiers de Nanterre, j'ai voulu en savoir plus sur l'esprit dans lequel Wajdi Mouawad avait conçu sa mise en scène. Après avoir consulté l'Oracle Google, j'ai pu assister à la conférence de presse d'Avignon : c'est là.


Par ailleurs, lors de mon voyage virtuel, j'ai eu accès aux commentaires de plusieurs critiques. Les jugements sur le décor, la mise en scène (y compris l'utilisation généreuse de l'eau), le jeu des acteurs et même la traduction de Robert Davreu sont très divers. Seule la partie musicale fait la quasi unanimité. Pour plusieurs, c'est elle qui sauve le spectacle et l'absence de Bertrand Cantat sur la scène enlève l'essentiel de sa force à la mise en scène. Certains vont même plus loin : pour eux le chanteur de Noir Désir incarne, du fait de son drame personnel, un personnage de Sophocle : sa présence renforce le tragique du spectacle. 
Voici les principaux articles trouvés. Ils concernent surtout les représentations données dans le cadre du festival d'Avignon.
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    L'Art dégénéré


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    Samedi 26 novembre au théâtre d'Orléans (Salle Vitez), notre amie Yasmin Hoffmann a donné une conférence sur L'Art dégénéré. Cette causerie a été prononcée dans le décor de cabaret qu’utilisera une heure plus tard Jérôme Martin dans le spectacle « Chansons dégénérées » donné par la formation Monsieur K : des chansons de Kurt Weill, dont la plupart des textes sont signés de Bertolt Brecht, présentées dans leur traduction française.

    Le début de l’enregistrement audio, que vous pouvez écouter à la fin de ce billet est légèrement écourté, il manque environ une minute : l’oratrice indiquait l’intérêt que les spectateurs auraient à écouter une personne de culture germanique pour présenter cette période noire… 

    Après cette présentation axée sur les expositions consacrées à la « dégénérescence » nombreuses en Allemagne à partir de 1933, dont le point d’orgue eut lieu à Munich avec la grande exposition sur l’ « Art dégénéré » (juillet 1937). La conférencière nous a proposé d’assister à la projection d’un documentaire de Stan Neumann intitulé « Expressionnisme allemand » (2006 - 60 minutes). 


    "Ce film se donne pour cadre les préparatifs de la grande exposition nazie « L'art dégénéré » qui fut paradoxalement le plus grand rassemblement d'œuvres expressionnistes de tous les temps.
    Tout comme Guillaume II, les nazis ont considéré l'expressionnisme comme «l'art dangereux» par excellence. Ce documentaire est un récit historique et chronologique composé de quatre périodes : le moment anti-naturalisme, la phase obsédée par le sexe et la folie, la période de la guerre 14-18 et enfin la phase « art officiel » de la Révolution de Novembre.
    Retour sur une Allemagne d'avant 1933 dont ces œuvres portent la marque subversive.


    Enfin, une heure plus tard, dans la même salle, résonnèrent les airs de Kurt Weill…

    Note : Yasmin Hoffmann qui enseigne à l'université d'Orléans, est traductrice, entre autres, d'Elfriede Jelinec (lauréate du prix Nobel de littérature en 2004) et d'Alfred Döblin. Elle s'est déjà produite deux fois dans le cadre de notre association : 
    Nous la reverrons avec plaisir au printemps prochain, puisque association Guillaume Budé l’accueillera à nouveau le 10 mai 2012 afin qu’elle nous parle de Salomé, en amont de la présentation de la Salomé d’Oscar Wilde, mise en scène de Jérémie LE LOUET pour l’ATAO à la salle J-L Barrault du Théâtre d’Orléans.

    Télécharger l’enregistrement de la première partie de la conférence de Yasmin Hoffmann.
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      vendredi 11 novembre 2011

      Cavour et la France : complexité et ambiguïté

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      Ce 11 octobre, la section orléanaise de l’Association Guillaume Budé accueille Hilaire Multon, normalien agrégé d’histoire, un temps attaché culturel à Turin, aujourd’hui conseiller du ministre de la Culture et de la Communication, Frédéric Mitterrand, en charge du Patrimoine, des Musées, des Archives, de la Mémoire et de l’Histoire (participation à la préparation de la Maison de l’Histoire). Il est un spécialiste des relations franco-italiennes d’où le choix du sujet suscité aussi par le 150e anniversaire de l’État italien. 

      Le conférencier signale tout de suite qu’il n’existe pas encore de grande biographie de Cavour en français (une est tout de même en préparation) malgré la publication des 27 volumes de sa correspondance. Cavour (1810-1861), tout en étant enraciné dans le Piémont, a été fortement influencé par ses racines françaises et par son ouverture à l’Europe connue par ses nombreux voyages. Son père avait suivi une carrière napoléonienne en étant aide de camp du maréchal Berthier et sa mère, arrière-arrière petite-nièce de Saint-François-de-Sales, était d’une famille genevoise, protestante et philanthrope. Par l’une de ses tantes maternelles, il était allié aux Clermont-Tonnerre et par une autre à un fonctionnaire impérial. Son éducation a été toute française et au départ, il ne parlait pas un mot d’italien. Entré à l’Académie militaire de Turin, son esprit indépendant et indiscipliné le conduit à démissionner. Il préfère la carrière de journaliste. Tout jeune, il s’est forgé une armature intellectuelle : il est libéral et royaliste comme son père, ouvert à l’humanitaire comme sa famille maternelle. Mais ses voyages ont beaucoup compté dans son apprentissage. Attiré par le prestige de Paris, Cavour réalise de nombreux séjours en France. Il aime les mondanités, fréquente le Jockey-Club mais rencontre aussi tous ceux qui comptent dans la vie politique et intellectuelle de la Monarchie de Juillet (Michelet, Quinet, Jules Simon, Sainte-Beuve, Dumas, des saints- simoniens). Il assiste aux séances de la Chambre des Députés et de la Chambre des Pairs, manifestant une grande passion pour la vie parlementaire. De même, il s’intéresse beaucoup aux chemins de fer car il pense que pour remplir les objectifs du Risorgimento, la modernisation matérielle doit précéder la révolution politique. Le chemin de fer est donc indispensable à l’unification de l’Italie comme à l’ouverture sur l’Europe en perçant les Alpes. Il va aussi souvent à Londres où il s’initie au modèle anglais et notamment aux questions douanières. 

      Devenu en 1852 chef du gouvernement du Piémont, moteur de l’unité italienne, il recherche l’alliance de la France. Par l’engagement de son pays dans la guerre de Crimée, il peut participer au Congrès de Paris où il gagne la confiance de Napoléon III, qu’il a déjà rencontré à Compiègne l’année d’avant. Il entre en amitié avec la famille impériale et notamment avec le docteur Conneau qui devient son intermédiaire auprès d’elle. Il n’est pas exclu qu’il ait usé de la diplomatie parallèle en la personne de la superbe duchesse de Castiglione. Malgré l’hostilité des catholiques français inquiets pour les Etats Pontificaux, l’alliance est scellée par les accords secrets de Plombières. Elle fonctionne bien jusqu’à l’armistice de Villafranca (juillet 1859) qui met fin prématurément aux opérations militaires en Lombardie et ne permet pas d’obtenir des Autrichiens tout ce qui était prévu. C’est la rupture de la francophilie, la rue devient hostile à la France, exhibe les portraits d’Orsini. Le nom de la bataille de Solferino est effacé et Cavour, furieux, démissionne momentanément. L’Italie centrale révoltée qui plébiscite son rattachement au Piémont conduit en compensation à la signature du Traité de Turin (mars 1860) dans lequel la Savoie et Nice sont cédées à la France. C’est un traumatisme car c’est le fief de la famille royale et car ces provinces tiennent la chaîne alpine. Le processus de détachement de l’alliance française est donc déjà fortement entamé. 

      En conclusion, le conférencier souligne le tournant des années 1859-1861 dans les relations avec la France. Aussi Cavour est-il peu apprécié dans la France de l’époque. Le Moniteur écrit qu’il n’a été grand que grâce à la France et Veuillot voit en lui l’oppresseur de l’Église. Seuls les Orléanistes et les tenants de la gauche modérée lui portent considération. La reconnaissance de l’œuvre de Cavour viendra à la fin du XIXe siècle mais chez nous c’est surtout Garibaldi qui symbolise l’unité italienne grâce à une légende dorée préparée par la littérature.
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      lundi 17 octobre 2011

      Promenade littéraire : autour de la Forêt de Fontainebleau

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      Le samedi 28 mai, selon la tradition de Guillaume -Budé a eu lieu la promenade littéraire
      Autour de la Forêt de Fontainebleau
      préparée et conduite par Jean NIVET,
      avec la participation de plusieurs membres du Bureau

      De bon matin, un car rempli de budistes assoiffés d’art et de culture, comme aurait dit notre cher et regretté Georges Dalgues, a gagné la route du Gâtinais ; le premier arrêt a eu lieu devant la grille du Château d’Augerville la Rivière (l’accès au parc nous ayant été refusé par les propriétaires actuels, exploitants d’un golf-hôtel, bien plus intéressés par les exploits de Tiger Wood que par l’Histoire de France). Ce domaine qui appartint  au XV° siècle à Jacques Cœur et où séjourna en 1651 le Grand Condé, fut acheté en 1825 par l’avocat Pierre- Antoine Berryer, le défenseur du Maréchal Ney et de Cambronne et qui resta pendant quarante ans le principal représentant du légitimisme parlementaire. Après le coup d’état de 1851, il se retira à Augerville et il en fit un rendez-vous de l’esprit et de l’amitié. Jean Nivet nous conta l’agréable vie de château à cette époque: outre le plaisir des rencontres, des promenades dans le parc aménagé le long du cours de l’Essonne, des concerts et des représentations théâtrales, les invités étaient magnifiquement traités, grâce à l’émérite cuisinière Célestine. Il évoqua quelques illustres visiteurs comme Chateaubriand, Liszt, Dumas fils, Musset, Delacroix qui note dans son Journal  ses différents séjours de 1854 à 1862 et ne tarit pas d’éloges sur le château, ”plein de vieilles choses“ et qui donne “une impression délicieuse comme celle d’une vieille maison de campagne.” C’est à Augerville que Berryer  mourut le 29 novembre 1868; ses obsèques rassemblèrent une foule immense où les plus grands noms de l’aristocratie se mêlèrent à des républicains comme Jules Grévy, alors tout jeune député du Jura.

      L’étape suivante nous a conduit au charmant village de Barbizon que nous associons toujours aux sites classés de la forêt de Fontainebleau ainsi qu’à une école de peinture. En réalité — et on nous le rappela fort aimablement — que ce terme n’apparut qu’à la fin du XIX° siècle sous la plume d’un historien anglais; une légende veut qu’un peintre anonyme interrogé sur ses titres aurait répondu qu’il venait “non de l’école des Beaux Arts, mais de l’école des beaux arbres de Barbizon” (sic!). C’est à partir de 1830/ 1835 que de jeunes peintres, comme Corot, Diaz de la Pena, Théodore Rousseau, un peu plus tard, Jean-François Millet, Harpignies, Daubigny ou d’autres moins connus comme Coignet, Dupré, Guillemin, Charles Jaques ou Manceau (qui fut secrétaire de George Sand) fréquentèrent ce lieu, à vrai dire concurrencé par le village voisin de Marlotte, qui offrait deux auberges. À Barbizon : une seule adresse : “l’auberge du Père Ganne”, immortalisée par les Frères Goncourt, dans leur Journal et surtout dans Manette Salomon (1867). Ce fut donc là le point de ralliement des budistes, curieux de retrouver le fameux “vide-bouteilles” (pieusement reconstitué par la municipalité et restauré en 1990), la salle du bas, à la fois boutique, cuisine, chambre à coucher, la salle dite “des officiers”avec table d’hôte et cheminée au manteau décoré par Diaz et Gérôme, les chambres  étroites de l’étage,  témoins rustiques qui gardent “l’ombre ou le souvenir de ceux qui ont vécu là, écrit d’un bout de pinceau, avec un reste d’étude et la verve de leur premier talent, dans tous ces tableaux qui se cognent : paysages, moutons, sous-bois, chevaux, chasses, natures mortes…”

      Un détour s’imposait pour contempler la forêt qui inspira tous ces artistes : sur la route d’Arbonne, dans une clairière parsemée de rochers gréseux, il y eut un arrêt à la fois géographique et littéraire ; le secrétaire le plus ancien a lu le document confié par le secrétaire n°2 (en l’occurrence Gérard Lauvergeon empêché ce jour-là). Le géographe rappelait l’origine du  sol : une formation tertiaire de sables intercalée entre les calcaires de Beauce et de Brie qui a évolué en formant des blocs de grès différents suivant l’érosion et qui ont donné des amas de rochers spectaculaires comme aux gorges de Franchard. L’infertilité de ce sol, et le fait que la forêt a été dès le XII° siècle un lieu de chasse royale l’ont protégée au point que les peintres de Barbizon y ont vu une nature à l’état sauvage. Actuellement, l’ONF poursuit ce travail de protection en améliorant les boisements et en interdisant certains secteurs en vue de la régénération des plantations. Ce qui a été corroboré par un participant, M. Pierre Bonnaire, ancien responsable régional de l’ONF et actuel président de la SAFO (société des Amis de la Forêt d’Orléans)qui nous a parlé de la gestion moderne du patrimoine forestier. La littérature n’a pas été en reste : le public a apprécié un florilège qui allait de Senancour (un extrait d’Oberman (1804) à André Billy (auteur de Les beaux jours de Barbizon (1947), lequel, aux gorges d’Apremont, se croit dans les Rocheuses!) en passant par l’incontournable duo : George Sand / Alfred de Musset — dont  le beau poème Souvenir est encore dans toutes les mémoires.

      Bien que l’endroit fût propice à un pique-nique champêtre, nous nous sommes dirigés vers Noisy-sur-École, exactement à l’Auberge d’Auvers-Galant (avec jeu de mots d’une part et jolie table de l’autre).

      L’après-midi a été consacré  en première partie  à Jean Cocteau et à la visite de sa Maison à Milly-la-Forêt. Le poète avait acheté en 1947, d’abord en indivision avec Jean Marais, la “Maison du Gouverneur”, une belle demeure de style Louis XIII, “avec son porche, son allure de presbytère,ses douves, son jardin de curé…” Ce charme, ce sentiment de bonheur tout simple, le visiteur le ressent. Et paradoxalement, il le ressent aussi  dans le bureau du premier étage, tapissé de tissus léopard, dans un bric-à-brac “hétéroclite et théâtral” . Chacun a flâné, à son rythme ,dans les autres pièces, présentées comme un musée familier, où l’on voit sur les cimaises tous les amis que Cocteau, a dessinés, d’Apollinaire à Eluard, — parmi eux, un Max Jacob “cocasse et magnifique comme un rêve” — et tous les portraits qu’on a fait de lui, signés Modigliani, ou Man Ray, ou Andy Warhol, où l’on peut suivre sa vie, ses rencontres, notamment avec Stravinsky, Diaghilev, Picasso, ses créations  théâtrales et cinémato-graphiques. Oui, le “Prince frivole” a bien laissé une œuvre...

      Notre pèlerinage à Milly aurait été incomplet si nous avions oublié de nous recueillir à la chapelle Saint-Blaise-des-simples (enfin disons : nous recueillir parmi la foule des fidèles). En 1960, Jean Cocteau a été invité à décorer de fresques la chapelle d’une ancienne léproserie. Il la décrit lui-même ainsi : “la chapelle des Simples, mot d’un double sens admirable, puisqu’il désigne la vertu des herbes qui guérissent et celle des malades qui croient.” C’est là qu’il est inhumé, parmi la jusquiame, l’arnica, la gentiane et la renoncule et leurs hautes tiges “pareilles à des lances médiévales”, ces simples qu’on retrouve  au naturel dans le petit jardin de couvent qui entoure ce modeste oratoire touchant… de simplicité.

      La fin d’après-midi nous a menés vers le château de Courances, tout proche de Milly, harmonieuse demeure que l’on découvre au  fond d’une majestueuse allée de platanes. C’était au XVI° siècle  un simple manoir; il fut agrandi, remanié et embelli au cours des XVII° et  XVIII° siècle, ainsi que son parc et ses “jardins d’eau”constituant un cadre incomparable. Jean Nivet nous en a fait l’historique et insisté sur son sauvetage. En effet, au milieu du XIX°siècle, il n’était qu’une ruine (on en a un témoignage dans le roman d’Anatole France Le crime de Sylvestre Bonnard qui décrit le délabrement total du château de “Lusance” dont le modèle ne fait aucun doute) ; le riche baron de Haber le sauva en 1872  et lui ajouta le fameux escalier  en fer à cheval, copie de Fontainebleau… Au début du XX° siècle Courances inspira Alfred Jarry qui venait à bicyclette de son “phalanstère” de Corbeil admirer une machine électrique alimentée par les eaux vives du parc, ce qui lui a donné l’idée d’une machine capable de produire… du désir amoureux, point de départ de son roman le Surmâle. Nous avons jeté un regard sur les ferronneries acérées de la grille du château où vient s’empaler le héros de Jarry, mais, étant donné la chaleur estivale, nous avons préféré une promenade sous les frondaisons en admirant  jardins et pièces d’eau dessinées par un admirateur de Le Nôtre…

      Le chemin du retour, remontant les siècles, nous a ramené au XVI° siècle, aux Guerres de Religion et à cette grande figure de Michel de l’Hopital, évoqué d’abord en passant près du Vignay, son “Tibur” dont il ne reste qu’une inscription, puis devant le château de Bellébat, propriété de son gendre, pour nous recueillir devant son remarquable monument funéraire dans une chapelle de la petite église rurale de Champmotteux, qui pourrait être dédiée, elle aussi, à Saint Blaise…
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      jeudi 13 octobre 2011

      Un nouveau site sur Charles Péguy

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      L'Amitié Charles-Péguy vient de mettre en ligne son site sur Charles Péguy. Fort clairement présenté, il nous donne une biographie de l'écrivain, suivie d'une utile chronologie. Une bibliographie sélective est accompagnée de la table détaillée des quinze séries des Cahiers de la Quinzaine et d'une liste des documents audio-visuels sur Péguy actuellement accessibles. On y trouvera aussi une petite centaine de citations groupées par thèmes et des extraits plus longs de textes importants, accompagnés parfois d'un enregistrement sonore. Une galerie de photos rassemble des portraits de Péguy et des clichés "autour de Péguy", ainsi que des vues prises lors de la récente reconstitution de la bataille de Villeroy. 

      Grâce à ce site, il est possible de se tenir au courant de l'actualité liée à cet auteur et d'entrer en contact avec l'Amitié Charles-Péguy, dont la présidente, tout récemment élue, est Madame Claire Daudin (et dont notre collègue orléanais Géraldi Leroy est l'un des vice-présidents).  

      À la suite de Pierre Assouline, on suggérera aux auteurs du site de regrouper quelques textes pour mettre en lumière les réactions élogieuses ou critiques virulentes qu'ont suscitées la personnalité et la pensée de Péguy, au moins chez ses contemporains (Alain-Fournier, Barrès, Claudel, Proust, Suarès…). Ce serait un moyen de rendre plus vivant un auteur devant lequel il est impossible de rester indifférent.  

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      mercredi 12 octobre 2011

      Le jardin des mots

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      Sur une idée de notre vice-présidente Geneviève Dadou et en hommage à Jacqueline de Romilly, décédée cette année et venue dans notre section orléanaise, à deux reprises, nous parler de la Grèce antique, notre séance de rentrée du 29 septembre 2011 laissait la bride sur le cou à cinq orateurs-maison. Les budistes orléanais aiment jouer. Ils aiment jouer dans les jardins. Ils avaient choisi les jardins des mots, lieux où ils cueillent volontiers les fleurs de rhétorique et rencontrent les auteurs branchés. 

      Ce jour-là, certains préféraient creuser pour examiner les racines. D’entrée, le Président Malissard allait très profond en exhumant une racine indo-européenne MON/MEN-MIN/MN, en MONtrant et en MENtionnant en bon MONiteur et sans moyens MNémotechniques ni meMENto une foule de rejets, parfois MONstrueux.  Geneviève Dadou avait dû renoncer à l’imiter, s’en tenant aux terminaisons d’un feuillage sans doute urticant si l’on en juge par ses nombreux « ouille » et ses « aïe » répétés. La trouille lui empoignait-elle les entrailles ? En fait, elle nous assaisonna une tambouille de suffixes un peu canailles, proposant des boustifailles de citrouille et de grenouilles au grand plaisir de la piétaille. Ensuite, Marie-Hélène Viviani explorait son petit parterre en forme de botte et y découvrait tout un cortège de plantes en pleine Renaissance exhalant des parfums mélodieux et précieux. Elles avaient migré, allegro, d’au-delà des monts. 

      Comme dans tout bon jardin botanique, André Lingois étiqueta avec méthode et compétence les surgeons de l’environnement géographique, citant les sources pour les rivières, rangeant par strates successives les villages, s’arrêtant pile Poil pour laisser Jean Nivet lancer un quiz. Malgré les termes savants et les pièges astucieux, les Budistes orléanais montrèrent que leur culture n’avait pas besoin d’un jardinage intensif, que leurs racines, bien qu’antiques, avaient été entretenues et portaient avec allégresse une bien belle végétation.

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      jeudi 6 octobre 2011

      Une budiste à Normale Sup

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      La dernière page, la fameuse page Rebonds du quotidien Libération le 19 septembre dernier, présentait le portrait de Claire Guillot. Sur la photo qui accompagne l'article figure un visage déjà vu : il s'agit d'une jeune femme qui parfois assistait à nos conférences, au sein d'un petit groupe de jeunes qu'une dame chapeautée — Nicole Laval-Turpin, professeur de langues anciennes des classes préparatoires du Lycée Pothier d'Orléans — accompagnait, lorsque le sujet pouvait être rattaché à son enseignement.

      Je souhaite à Claire une bonne poursuite de ses études… et peut-être à un de ces jours… lorsqu'elle prononcera une conférence pour les budistes orléanais…

      Lire l'article de Libération
      [En cliquant sur l'image qui s'ouvre, vous devriez l'agrandir, si votre navigateur le permet]
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      mardi 4 octobre 2011

      Rome sur France Culture

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      Sur France Culture, deux émissions radiophoniques récentes qui avaient pour sujet Rome, m'ont intéressé :

      Pour écouter cette émission, c'est par ici.
       
        Pour l'écouter, C'est par là.
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          samedi 1 octobre 2011

          Réécouter les conférences de cette semaine…

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          Il est possible d'écouter ou de télécharger les fichiers des enregistrements sonores des deux conférences de jeudi et vendredi derniers (et toutes celles de la saison 2011-2012) :

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            mardi 31 mai 2011

            Sortie littéraire du 28 mai 2011 : autour de la forêt de Fontainebleau

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            7 h 30, 49 budistes prennent la direction de la forêt de Fontainebleau. Jean Nivet expose alors le programme de la journée.

            Le château d’Augerville,
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            À Barbizon, nous visitons l'auberge Ganne transformée en musée,
            Une halte aux gorges de Franchard, pour parler de la forêt de Fontainebleau,

            Repas, à l’auberge d’Auvers Galant, près de Milly à Noisy-sur-École,

            À Milly-la-Forêt : maison de Jean Cocteau (transformée en musée) et son jardin,
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            puis la petite chapelle Saint-Blaise-des-Simples,
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            Le château de COURANCES et son splendide parc,
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            Enfin, l'église de Champmotteux où se trouve le cénotaphe de Michel de l’Hospital,
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            Et pour conclure, quelques poèmes de Jean Cocteau.

            Remarques
            De nombreux textes littéraires ont aussi été dits sans être enregistrés.  
            Les enregistrements audio ont été réalisés dans le car en mouvement,  les bruits du moteur accompagnent donc malheureusement les orateurs.
            Pour écouter les enregistrement cliquez sur le lien "audio" (un certain délai est nécessaire avant l'émission du son), pour les sauvegarder sur votre ordinateur, faites un clic droit, puis "enregistrer sous…"
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            vendredi 27 mai 2011

            Revue L'Histoire n°365 de juin 2011

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            Suite au billet de Jean et après avoir reçu la revue L'Histoire de ce mois de juin, dont le dossier est consacré au "siècle des réfugiés", je vous signale qu'elle est particulièrement riche pour nous budistes (voir son sommaire en cliquant sur le titre de ce message), puisqu'un long article Visite au forum d'Auguste d'Yves Perrin, restitue ce forum romain disparu (6 pages).

            Nous trouvons aussi une prolongation de notre dernière conférence sur Th. Gautier, sous la plume d'un ancien conférencier : Claude Aziza, il a rédigé l'article "Antiquité vivante de Théophile Gautier"
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            jeudi 26 mai 2011

            "Le Destin de Rome" et la prononciation du grec et du latin

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            Le 18 juin prochain, à 20 h 40, la chaîne Arte va diffuser un documentaire intitulé Le Destin de Rome, deux épisodes de 52 minutes chacun, réalisés par Fabrice Hourlier et Stéphanie Hauville, avec l’aide de plusieurs conseillers scientifiques, dont Paul Martin, un fidèle conférencier de notre Association. Ce documentaire est un tableau de Rome pendant les treize années qui séparent l’assassinat de César de la bataille d’Actium, marquées par l’affrontement d’Antoine et d’Octave. Il ne s’agit pas d’un « docu-fiction » mais d’images de synthèse, avec une voix off en français et des dialogues en latin et en grec.

            Claude Aziza, qui a publié son opinion dans le dernier numéro de la revue L’Histoire, n’a pas aimé : « Le duel entre Antoine et Octave est présenté avec un sens aigu du manichéisme romanesque et de la fausse dramatisation. […] Le jeu des acteurs hésite entre la déclamation cicéronienne et la sobriété césarienne, dans des décors froidement numérisés dont la splendeur n’a rien à voir avec les Rome et Alexandrie du Ier siècle. »

            Quant à l’usage du grec et du latin, Claude Aziza estime qu’il n’apporte rien et que « même un familier du latin vivant se surprend à lire les sous-titres sans trop chercher à comprendre le texte ». Il conteste surtout la reconstitution vocale du latin, « avec de risibles roucoulades dans les r », qui ne repose, selon lui, sur aucun élément scientifique. Il est plus indulgent avec la prononciation du grec ancien inspirée de la prononciation du grec moderne.

            Paul Martin — qui a participé surtout à la traduction sous-titrée des dialogues latins — est d’un avis tout opposé. Il trouve mauvaise la prononciation du grec ancien, car il n'y a pas, selon lui, de rapport entre la prononciation du grec moderne et celle du grec ancien (le iotacisme est un phénomène de l'époque moderne et il y a dans le grec moderne des influences phonétiques "barbares"). En revanche il pense que la recherche faite dans le film pour la prononciation du latin est intéressante et vaut mieux en tout cas que la prononciation « à la française », même restituée.

            Devant cette querelle d’érudits, il ne nous reste plus qu’à regarder cette émission et à donner notre avis dans les commentaires de ce « blog ».
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            lundi 18 avril 2011

            Théophile GAUTIER ou la consolation par les arts

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            Notre prochaine conférence (jeudi 12 mai) :
            Théophile GAUTIER
            ou la consolation par les arts,
            se présentera sous la forme d’une lecture de textes de l’écrivain dans le but de fêter le bicentenaire de sa naissance. Ce sera donc une conférence « à plusieurs voix ». Ce genre existe depuis l’origine de notre association. Ces causeries sont ressuscitées ci-dessous grâce aux liens qui mènent à leurs comptes rendus et parfois à des textes intégraux et des enregistrements audio :

            Dans la première décennie de l’association, Michel Adam et Michel Raimond y participaient régulièrement, en même temps que Jacques Boudet :





            • le 22 mai 1962, le 250e anniversaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau fut l’occasion d’une conférence à trois voix (avec Jacques Boudet).

            Il fallut attendre le siècle suivant pour que l’on revienne à cette pratique avec des débats :





            ou bien des lectures de textes, le plus souvent orchestrés par Jean NIVET accompagné de membres du Bureau : 

            • le 14 décembre 1999, La chouette vole sur les millénaires, divertissement proposé pour préparer l’entrée dans le nouveau millénaire (le compte rendu est au bas de ce texte intégral),  







            Remarque : en d'autres autres occasions, deux personnes furent aussi sur scène (nous excluons le cas des présentateurs / intervieweurs):



             
            Et nos rencontres poétiques


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                samedi 16 avril 2011

                Alessandro VALIGNANO S.J. par Sylvie MORISHITA

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                Le mardi 9 avril, la section orléanaise de l’Association Guillaume-Budé, dans la série “Ouverture sur le monde”, après la vie dans les étoiles, la vie numérisée, a proposé une incursion dans le Japon à la fin de l’ère féodale par le truchement d’un jésuite italien.
                La conférence de Madame Sylvie MORISHITA
                Doctorante à l’Ecole de Théologie de Strasbourg
                avait pour sujet :
                Alessandro VALIGNANO, S.J. un humaniste italien
                dans le Japon du XVI° siècle
                C’était à notre vice-présidente Geneviève DADOU que revenait l’honneur de présenter la conférencière, devenue pour elle une amie depuis leur participation commune à Radio R.C.F. Celle-ci, originaire de Nantes, a rencontré à la Faculté Catholique d’Angers un jeune étudiant venu de l’Empire du Soleil levant qu’elle a épousé, s’est mise aussitôt à l’apprentissage de la langue japonaise et a entrepris une thèse sur les missions catholiques au Japon au cours des XVIe et XVIIe siècles.

                Avant de faire le portrait de Valignano, qui joua un rôle très important et qui reste encore méconnu, alors que son disciple Matteo Ricci, évangélisateur de la Chine, a été l’objet l’an dernier d’une célébration officielle en France comme en Italie, Sylvie Morishita a tenu à situer le contexte historique du Japon du XVI° siècle. Au cours de cette période tumultueuse, le clan des guerriers - des seigneurs féodaux ou “daïmio” ne respectait plus le pouvoir du “Shogoun” (le chef militaire à qui l’Empereur délègue en réalité son autorité). C’est dans ce climat troublé que le Japon est entré en contact avec l’Occident : les “Barbares du Sud”, c’est-à-dire les Portugais (par opposition aux Hollandais surnommés les “poils rouges”) grands navigateurs venus par le Cap de Bonne-espérance, après avoir fait halte dans leurs comptoirs de Goa, Malacca et Macao ont abordé à l’ïle de Kiû-Shû pour des raisons commerciales. Chacun se souvient des Conquérants de Hérédia et du “fabuleux métal que Cipango mûrit dans ses mines lointaines”, mais ignore que le métal en question était l’argent, qui représentait alors à peu près le tiers de la production mondiale. La ville de Nagasaki a été fondée pour les besoins du négoce entre Portugais et Japonais par l’intermédiaire des Jésuites : elle sera à l’époque en quelque sorte à la fois un port international et une cité chrétienne. Notre conférencière insiste sur le rôle de la Compagnie de Jésus, laquelle travaille dans l’orbite du “patronage” portugais, où le roi représente la refondation de la religion, mais contrôle les finances — le spirituel et le politique étant toujours mêlés ; elle a participé à ce fructueux commerce, en principe interdit. Valignano fut justement un des premiers à le soutenir ; il s’opposera plus tard à la venue des Ordres mendiants déjà installés aux Philippines, ayant suivi, depuis Acapulco au Mexique la fameuse “route du galion de Manille” ouverte par le frère augustinien Andrès Urdaneta. Il essaiera même d’obtenir, en vain, une interdiction papale. Ces ordres vont alors proliférer, se quereller entre eux ; il en résultera des persécutions dès la fin du XVIe, et finalement, en 1639 tous les missionnaires seront expulsés.



                À la suite de cette mise au point fort utile, Mme Morishita s’est attachée à cerner la personnalité originale de Valignano. Cet italien, né en 1539 à Chieti dans les Abruzzes, c’est-à-dire dans le Royaume de Naples, étudiant à l’Université de Padoue, fut admis chez les Jésuites en 1566, ordonné prêtre en 1570 ; dès 1573, il est nommé “visiteur des missions en Inde et Extrême-Orient” — charge très importante — et s’embarque pour Goa avec 41 Jésuites qu’il a recrutés lui-même. Après Malacca et Macao, il atteint Nagasaki en 1579 pour son premier séjour (il en fera deux autres). En 1592, il repart à Macao où il fonde le Collège St Paul, centre de formation des missionnaires en Asie et y meurt en 1606.

                Pour apprécier l’œuvre de notre Jésuite, nous possédons un document essentiel, écrit en castillan, le “Sumario de las cosas del Japon” ou Inventaire des choses du Japon paru en 1583. Il y note, entre autres, la “grande patience et la grande endurance dans l’adversité“ ainsi que le haut niveau intellectuel des Japonais. Au nom de l’acculturation, il demande que les missionnaires s’adaptent au pays étranger (et non le contraire !) ; il explique la nécessité de former un clergé local et pense même qu’on peut admettre des Nippons dans la Société de Jésus ! Il a organisé des écoles de deux niveaux : le “seminario” (où l’on apprend le japonais et le latin), le “collegio” : un enseignement supérieur avec cursus des humanités européennes et japonaises. Dans son désir de rapprochement entre l’Orient et l’Occident, il a organisé la première ambassade japonaise en Europe (qui dura de 1582 à 1590) : quatre jeunes vont faire la connaissance de la culture chrétienne et des nations européennes tout en montrant le rôle bénéfique des missions (avec en plus, l’obligation de rapporter d’Anvers une presse d’imprimerie). Ce détail va nous conduire à un chapitre non négligeable du travail des Jésuites au Japon — sur lequel on ne peut s’étendre — ce sont leurs publications nombreuses et variées comme les œuvres de Cicéron, les traités de théologie, les dictionnaires, les livres de piété (le “best seller” étant L’Imitation de notre Seigneur sous le titre Comptentus mundi). Le premier livre sorti au Japon de la fameuse presse, installée dans le village de Katsuza, était une “Vie des Saints”, avec une gravure sur cuivre, copie d’un original imprimé à Anvers par Christophe Plantin (originaire de Montlouis !) Bel exemple de mondialisation... au XVIe siècle! Et c’est bien à Valignano — qui a jeté un pont entre l’Orient et l’Occident — que nous devons cet échange pacifique. 

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