lundi 23 avril 2012

Espace, couleur et lumière dans la sculpture grecque

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Le jeudi 12 avril, les fidèles budistes ont renoué avec leurs racines profondes en venant écouter la belle conférence de :
Bernard HOLTZMANN,
ancien élève de l’ENS, ancien membre de l’Ecole d’Athènes, professeur d’archéologie à Paris X.



Cette conférence, abondamment illustrée, qui avait pour titre :
ESPACE, COULEUR ET LUMIERE 
DANS LA SCULPTURE GRECQUE
était non seulement destinée à suggérer la richesse d’un art majeur qui a perduré du VIIIe siècle avant notre ère jusqu’au IIIe siècle après J.C. et qui a fécondé durablement l’art européen, mais aussi à montrer que cet art mettait en jeu un rapport à l’espace en proposant des volumes indépendants mis en valeur par la lumière méditerranéenne — et éventuellement par la polychromie.

Les deux premières photographies ont illustré cette permanence de la statuaire issue du monde hellénique : un Apollon archaïque, un bronze de Riace (de -470) faisaient pendant à l’âge d’airain de Rodin, tandis qu’on admirait côte à côte quatre statues équestres : le Cavalier Rampin (une des plus anciennes sculptures de l’Acropole d’Athènes), la statue de Marc-Aurèle de la place du Capitole, celle du Colleone (de Verrocchio, 1496), et celle de Frédéric II (de 1850) à Berlin, Unter den Linden.

M. Holtzmann a abordé ensuite la sculpture sous différents angles: d’abord celui du sacré, comme en témoignent ces nombreuses figures de divinités, depuis le Centaure de Lefcandi (vers -950) jusqu’à l’Aphrodite de Cnide, de Praxitèle (le premier nu féminin, dont Phrynè fut le modèle), ensuite sous les angles du rapport à la société et du rapport au réel : à ce sujet la période hellénistique est riche en œuvres réalistes — comme le tireur d’épines ou la tête dite de la palestre de Délos, véritable portrait d’une facture moderne. Notre conférencier s’est intéressé particulièrement au rapport à l’espace, la sculpture étant un art du volume où le réel va s’exprimer en trois dimensions. Après les bas-reliefs sans épaisseur (comme la 32e métope du Parthénon ou l’Athéna pensive), s’impose la ronde-bosse, par étapes successives. De la première, la plus ancienne, retenons comme emblèmes la Dame d’Auxerre, du VIIe siècle av. J.C., personnage hiératique fait pour être vu de face, ou le Kouros colossal du Cap Sounion, encore tributaire de la statuaire égyptienne. Ce type de statue très répandu va évoluer : au Ve siècle, une certaine raideur fait place au naturel, sensible à un petit détail, comme une inflexion de la jambe gauche — ce qu’on peut voir dans la très belle statue funéraire d’Aristodicos. ou celle de l’éphèbe de Critios. À l’âge d’or du Ve siècle, apparaît, avec la maîtrise de la technique, la statue de bronze, qui permet des mouvements plus amples, quitte à fausser quelque peu la réalité. Témoins le dieu du cap Artemision : Zeus ou Poséidon, prêt à jeter la foudre ou le trident ou le célèbre Discobole de Myron, dont nous possédons seulement la copie.

M. Holtzmann a abordé alors la seconde partie de son propos en insistant sur la lente progression de la statuaire grecque vers la troisième dimension, amorcée dès l’époque classique par Polyclète, dont nous avons admiré les copies du Didumène et de l’Amazone blessée. Le IVe siècle est l’époque des innovations où vont rivaliser les Praxitèle, Scopas, Léocharès, Lysippe et Euphranôr. Deux exemples , parmi tant d’autres : l’Apollon du Belvédère de Léocharès, considéré souvent comme le sommet de l’art grec ; la Ménade dansant de Scopas, qui nous “invite à tourner autour d’elle pour apprécier ses aspects très différents dont aucun n’est privilégié.” Cette maîtrise de la 3e dimension se retrouve à l’époque hellénistique dans la réalisation des groupes, comme celui des Galates Ludovisi, ou du Taureau Farnèse, ou encore du Laocoon, œuvres impressionnantes de virtuosité.

En dernier ressort il a été question de la polychromie, dont le sujet redevient actuel, après avoir alimenté un vif débat au XVIIIe siècle. Pour ne donner qu’un détail significatif, les Korè de l’Acropole ont conservé des traces de peinture sur les motifs de leur vêtement ; ce traitement du marbre, hérité de la céramique primitive, était courant ; les sculptures de Praxitèle avaient droit au pinceau de Nicias, le grand artiste de l’époque ; certaines statues étaient recouvertes de feuilles d’or. Presque toutes étaient faites pour l’extérieur. Dans la Grèce antique, c’est la lumière du soleil qui donne une juste appréciation de l’œuvre d’art. Les architectes du nouveau Musée de l’Acropole d’Athènes (Bernard Tschumi et Michael Photiadis) l’ont bien compris : c’est par cette lumière qui avait séduit Chateaubriand que sont mises en valeur ses richesses — des richesses que notre guide nous a fait mieux apprécier sans jamais lasser notre admiration.
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