dimanche 4 décembre 2011

Les séries télévisées historiques

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Le mardi 22 novembre
Marjolaine  BOUTET  
maître de Conférences en histoire contemporaine
à l’Université de Picardie - Jules Verne
a traité un sujet d’actualité:
Les séries télévisées historiques

Notre invitée, spécialiste de la question, et auteur d’un classique : “Les séries télévisées pour les Nuls” (ouvrage qui, entre nous, s’adresse  autant aux connaisseurs qu’aux profanes) a rappelé  d’emblée le très grand succès outre-Atlantique depuis plus d’un demi-siècle  de ce genre nouveau et qui se répand sur nos écrans domestiques en prenant la place du feuilleton du XIX° siècle. Il s’agit donc bien d’un phénomène social et culturel qu’on ne saurait minimiser.

Et, parmi ces séries — œuvres de fiction découpées en épisodes — celles qui s’appuient sur des  événements ayant eu lieu figurent parmi les plus populaires, ce qui traduit le besoin du public de revisiter l’Histoire et de la mettre en rapport avec l’époque contemporaine.

Mme Boutet a montré ensuite l’évolution de ces séries au cours du XX° siècle: d’abord  aux U.S.A. les classiques” (exemple :  le thème inusable de la conquête de l’Ouest), tandis qu’en France les émissions du genre “la caméra explore le temps” ont les faveurs du public. Le but est l’édification du spectateur ; aux USA, les intentions moralisantes sont évidentes ; en France, ces intentions sont plus discrètes, laissant cependant transparaître un culte du sentiment national. Dès le début du XXIe siècle, s’opère un net changement : l’Amérique  porte un regard neuf et sans concession sur son passé ; l’anti-héros est désormais son emblème. Dans les séries françaises, le récit  devient distancié et critique et la vérité historique, une notion relative, variant selon l’époque et les sources. Il ne faut pas oublier que la démarche de l’historien se différencie nettement de celle du scénariste : le premier vise l’objectivité en multipliant les points de vue, le second revendique sa subjectivité et son point de vue unique.

Notre conférencière a cherché à définir les éléments d’une “bonne série historique”: celle-ci peut montrer, entre autres, des tranches de vie quotidienne, avec ses désordres, ses violences et ses laideurs ; elle doit éviter le plus possible tout discours moralisateur comme tout manichéisme. Et de prendre des exemples de ces séries télévisées — pour la plupart américaines. La première, ”Rome” en 24 épisodes (sur la chaîne H.B.O) a intéressé un large public. C’était une réalisation grandiose tournée à Cinecitta, avec  un  énorme budget, plus de 4000  figurants et une reconstitution extrêmement soignée ; elle a cependant évité les “scènes à faire”, ainsi que les clichés inhérents aux peplums, obligeant le spectateur à questionner l’histoire ; d’autre part le recours aux personnages fictifs a suscité des éclairages nouveaux sur la  société et donné la voix aux  petites gens. Une telle vision de  la Rome antique a offert une réflexion sur le pouvoir et sur l’opinion publique — deux sujets très actuels.

Mme Boutet a passé en revue d’autres séries comme celles qu’elle qualifie de nostalgiques, telle “Happy Days” (une rétrospective idéalisée des années 50) ou celles, nettement plus irrévérencieuses, comme “Mad Men” qui  va à l’encontre de la nostalgie optimiste et souligne la violence des rapports sociaux, mettant en évidence une critique du fameux “rêve américain”. D’autres séries (comme “Les Têtes brûlées” ou “Papa Schulz” ou encore “The Pacific”) ont révélé un regard plus objectif et plus libre sur certains aspects de la dernière guerre mondiale, avec une recherche  permanente de l’authenticité et du témoignage vécu, même au détriment de l’image traditionnelle du grand peuple libérateur.

Nous avons retrouvé un monde plus familier avec “Un village français” diffusé à partir de juin 2001 sur FR 3. Cette série avait pour ambition d’évoquer les années d’occupation dans une petite ville imaginaire du Jura : un microcosme centré sur des personnages qui n’échappent pas toujours aux stéréotypes, mais restent dans une vraisemblance crédible ; leurs auteurs ont réussi à créer une histoire attachante  inscrite dans la durée. Et les conflits qu’ils présentent, entre valeurs et idéologie, entre devoir et confort, se retrouvent dans notre actualité.

Les auditeurs, même s’ils n’étaient pas tous connaisseurs en séries américaines, ont écouté avec intérêt et plaisir Marjolaine Boutet, qui, dans sa conclusion, a précisé qu’il fallait regarder ces productions  dans une perspective critique : ainsi celles-ci nous apprendraient autant sur l’époque de leur production que sur le passé, si soigneusement reconstitué soit-il.




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