vendredi 1 avril 2016

Danse et musique dans le théâtre au début de l'Empire romain - L'exemple des pantomimes dans Phèdre de Sénèque

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Danse et musique dans le théâtre
au début de l'Empire romain.
L'exemple des pantomimes  dans Phèdre de Sénèque.


C'est le sujet que Florence DUPONT, professeur émérite de latin à l'Université Paris Diderot, a choisi de traiter le 24 mars 2016 à l'invitation de la section locale de l'Association Guillaume Budé. Connue pour son approche nouvelle des textes  et des documents de l'Antiquité gréco-romaine et leur interprétation qui combat tous les poncifs, sur le théâtre notamment, elle a choisi de nous parler d'un genre nouveau, la pantomime, apparu sous l'égide d'Auguste, au début de l'Empire. Contrairement à l'idée reçue d'une décadence du théâtre à cette époque, après les pièces de Plaute et de Térence, ce spectacle centré sur la musique et la danse a connu un énorme succès puisqu'il a perduré pendant six siècles.

La pantomime se joue dans les théâtres habituels dans le cadre de Jeux sur des sujets toujours mythologiques et à partir de livrets correspondant un peu à nos livrets d'opéra. C'est un spectacle musical chanté par un ou deux choeurs polyphoniques installés dans l'orchestra avec les musiciens jouant d'instruments à cordes et à vent, accompagnés de percussions et même parfois d'un orgue. Sur scène, un seul acteur (l'histrion) danse en mimant l'histoire avec un masque à bouche fermée différent du masque tragique à la bouche largement ouverte. Car le danseur ne parle pas. Il s'exprime seulement par le jeu du corps et le comportement sur scène. Il peut représenter plusieurs personnages en changeant de masque (ex. l'adultère d'Aphrodite avec Arès rapporté par Lucien).

La pantomime est un genre inventé à l'initiative d'Auguste et peut-être de Mécène par l'affranchi Pylade venant d'Alexandrie vers 22-23 avant J-Ch. C'est un genre à la fois grec et romain. Les sujets des premières représentations étaient tirés des tragédies grecques mais Ovide et Virgile ont aussi été utilisés et Saint Augustin raconte qu'il a pleuré à la mort de Didon. Selon le modèle grec, des concours de pantomimes ont été organisés à Rome. Mais le mime et la danse sont romains de même que les séquences codifiées et le déroulement durant les Jeux. Cela faisait partie du programme politique d'Auguste : dans d'immenses théâtres, la pantomime est intégrée dans les Jeux célébrant le culte impérial, rituel culturel réunissant les gens de tous niveaux, de tous statuts dans une démarche consensuelle. En effet, elle est accessible à tous puisqu'il n'y a pas de paroles. Ce genre aura un succès fou, représentant un nouveau système de traduction des tragédies grecques où le corps remplace la voix. 



Nous savons que le jeu de l'histrion s'effectue par séquences comme la musique, allant d'une pose fixe à une autre pose fixe par un trajet chorégraphique. Sculpture ou peinture vivante, il peut se métamorphoser en un autre personnage et son manteau représenter différentes situations dont l'érotisme est parfois une composante. C'est la première fois qu'on introduit les arts plastiques sur scène.

Comme les sportifs ou les vedettes d'aujourd'hui, les acteurs sont des «superstars» et gagnent beaucoup d'argent. (Pylade lui-même a pu donner des Jeux et Sénèque a été l'un des hommes les plus riches de son temps). Protégés, ils se permettent bien des incartades et des groupes de supporters se battent parfois, obligeant l'armée à intervenir. Le pouvoir n'ose ni interdire les représentations craignant les manifestations ni baisser les gains par peur des grèves ! D'autant plus que ces histrions sont utiles au moment des élections.


Malheureusement, les livrets n'ont pas été conservés ni les musiques notées. On sait que Stace en a composé. Mais tout est jouable puisqu'un  acteur peut danser sur la philosophie de Pythagore ! Pour terminer, la conférencière prend l'exemple du prologue de «Phèdre» de Sénèque où Hippolyte donne ses ordres pour la chasse dans les campagnes mythiques de l'Attique. Elle montre alors qu'il faut retrouver le contexte anthropologique du théâtre romain pour approcher les réalités historiques.

La discussion permet à la conférencière de préciser que tous les acteurs sont des affranchis et qu'en tant qu'acteurs ils sont infâmes et ne peuvent entreprendre de carrière politique (leurs enfants, oui). L'affranchi continue à donner de l'argent à son «patron». Enfin, il n'y pratiquement pas de pantomime comique.

La salle où est présente une trentaine d'élèves des lycées orléanais (ce qu'a beaucoup apprécié Florence Dupont) applaudit une prestation savante teintée d'humour.


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