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Ce samedi 18 octobre, la Section orléanaise de l'Association GUILLAUME BUDE recevait le Professeur Antoine PROST, bien connu à Orléans puisqu'il a enseigné l'Histoire contemporaine à l'Université et qu'il a été adjoint à l'Urbanisme dans la municipalité Sueur (1989-2001). Professeur à la Sorbonne, auteur de nombreux ouvrages sur les Anciens Combattants, la Grande Guerre ou l'Enseignement, il est aujourd'hui Président du Conseil scientifique de la Mission du Centenaire de la Guerre 14-18. Il avait accepté de répondre à la question « Pourquoi la France a-t-elle gagné la guerre de 1914 ? »
Ce samedi 18 octobre, la Section orléanaise de l'Association GUILLAUME BUDE recevait le Professeur Antoine PROST, bien connu à Orléans puisqu'il a enseigné l'Histoire contemporaine à l'Université et qu'il a été adjoint à l'Urbanisme dans la municipalité Sueur (1989-2001). Professeur à la Sorbonne, auteur de nombreux ouvrages sur les Anciens Combattants, la Grande Guerre ou l'Enseignement, il est aujourd'hui Président du Conseil scientifique de la Mission du Centenaire de la Guerre 14-18. Il avait accepté de répondre à la question « Pourquoi la France a-t-elle gagné la guerre de 1914 ? »
Ce n'est pas une question simple car si au départ, la
représentation que civils et militaires ont de la guerre est celle
de 1870, ce conflit est très différent. Il implique plusieurs
nations et nécessite un engagement total des hommes, de la société
et de l'économie. Aussi, dans le cheminement qui conduit à la
victoire, Antoine PROST distingue trois phases :
1. La guerre des poitrines.
2. La guerre des machines.
3. La guerre des civils.
Dans la première phase, la guerre a failli être
courte, conformément au Plan Schliffen par lequel les Allemands
comptaient régler le sort de la France en six semaines avant de se
retourner contre les Russes. Mais Von Kluck n'a pas respecté la
stratégie d'ensemble en infléchissant sa marche vers le sud-est
alors que le Haut Commandement allemand à Luxembourg était trop
loin de l'action. D'autre part, la résistance des soldats français
a permis une retraite en bon ordre pendant que les Anglais, par leur
présence dans le Nord, apportaient une contribution qui doit être
remise en lumière. Enfin, alors que les Allemands avaient estimé
que la mobilisation des Russes serait lente et durerait au moins un
mois, les lignes ferroviaires stratégiques financées par les
emprunts permirent des attaques sur le front de l'Est, obligeant les
Allemands à prélever deux divisions à l'Ouest.
Aussi la bataille de la Marne se traduit par un siège
réciproque de 700 km de long avec des défenses en profondeur rendant
la percée impossible comme le démontreront les échecs de
Champagne, de la Somme ou du Chemin des Dames. Le front allemand est
bien organisé avec des tranchées bétonnées sur plusieurs lignes
alors que le front français, mal organisé, comporte des
aménagements succincts. Quand les Allemands attaquent, les Français
sont en difficulté car leur artillerie est surclassée. Si le canon
de 75 est bon, ils possèdent peu d'artillerie lourde à longue
portée avant 1916. Les pertes sont considérables de part et
d'autre, ce qui explique que les Allemands ont manqué d'hommes pour
exploiter leurs succès de 1918, alors que les Français ont été
secourus par 1 800 000 Américains et Canadiens.
En Allemagne, le moins grand nombre de femmes à l'usine
oblige à retirer 1 900 000 soldats du front et des erreurs de
planification dans les grandes usines conduisent au gaspillage et à
une diminution de la production d'acier.
La troisième phase, la guerre des civils concerne surtout le problème des rapports entre le pouvoir civil et le pouvoir militaire. En France, au début de la guerre, s'impose le pouvoir
militaire grâce à la loi de 1849 sur l'état de siège lui
conférant sur l'ensemble du territoire la police, l'ordre public, la
censure. Et le départ du gouvernement pour Bordeaux semble accentuer
cette emprise. Mais les crédits de guerre n'ont été votés que
pour six mois et le Parlement en décembre 1914 ne les vote que pour
six autres mois. Ainsi les séances de la Chambre et du Sénat
reprennent, les commissions parlementaires fonctionnent, la vie
parlementaire continue au long des sept gouvernements successifs. Le
pouvoir civil s'exerce obligeant les militaires à accepter bien des
mesures comme l'institution des permissions, la révision de
jugements des tribunaux militaires, le développement de l'artillerie
lourde. La République ne se révèle pas faible. L'administration joue
son rôle avec efficacité (réquisition des chevaux, du fourrage,
attribution du ravitaillement, du charbon, rationnement du pain,
gestion des réfugiés, colis aux prisonniers, etc.) Toute une
mobilisation philanthropique concourt à multiplier les
infirmières.Et si les grèves sont réprimées par le ministre de
l'Intérieur, le malaise social est géré avec souplesse.
En Allemagne, le pouvoir militaire ne cesse de
s'imposer, fixant dès octobre 14 le prix des pommes de terre et du
pain, déclenchant le marché noir et la pagaille administrative. Ce
sont les militaires qui contrôlent de plus en plus le pouvoir
politique, obtenant la tête du Chancelier Bethmann-Hollweg et
choisissant le suivant. Les grèves sont durement réprimées et le
blocus sévère engendre pénuries et injustices. Aussi la situation
se dégrade t-elle, des bandes hantent villes et campagnes, les
déserteurs se multiplient, entraînant le délitement de l'armée. À
la militarisation croissante du côté allemand s'oppose le bon
fonctionnement de l'administration du côté français, dans le cadre
républicain.
Qui a donc gagné la guerre ? À la fois, les soldats, le matériel, les civils, les alliés, les empires coloniaux, la République.
Cette conférence a suscité de nombreuses questions
élargies à l'ensemble du conflit, démontrant l'intérêt du
public, venu nombreux et qui a manifesté par ses applaudissements
nourris toute sa satisfaction.
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