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Ce samedi 28 février, nous avons retrouvé la Sorbonne. Après avoir montré patte blanche aux vigiles assez débonnaires, le plan vigipirate oblige, nous nous sommes dirigés vers l’amphithéâtre Richelieu où se tenait un colloque intitulé
Ce samedi 28 février, nous avons retrouvé la Sorbonne. Après avoir montré patte blanche aux vigiles assez débonnaires, le plan vigipirate oblige, nous nous sommes dirigés vers l’amphithéâtre Richelieu où se tenait un colloque intitulé
«Les
Etats généraux de l’Antiquité :
Quels enjeux pour demain ? »
Quels enjeux pour demain ? »
Cette
journée particulière a su réunir un public nombreux venu entendre d’éminents spécialistes nous parler de l’Antiquité. Nous avons pu constater que l'invitation lancée par différentes associations, dont Guillaume
Budé « national », qui promeuvent la culture antique, a obtenu un
franc succès. Parmi bien d’autres auditeurs, nous étions trois “Budistes“
d’Orléans (avec Colette Spenlé), curieux de participer à cette rencontre.
Ce colloque
d’un jour, réflexion ouverte sur l’état des lieux et les enjeux du futur quant
à la culture classique, a été organisé
par l’APLAES soit l’Association des Professeurs de Langues Anciennes de
l’Enseignement Supérieur et par la SOPHAU ou Société des Professeurs d’Histoire Ancienne de l’Université. Toutes deux
placées sous le haut patronage de l’Académie française et l’Académie des
Inscriptions et Belles Lettres avec le
soutien de la Fondation Simone et Cino Del Duca - Institut de France.
Cette
manifestation importante avait été
annoncée, sur les ondes, par Emmanuel Laurentin qui dirige à France- Culture
l’émission quotidienne, de grande qualité, « La Fabrique de l’Histoire “
qui a su fidéliser un public exigeant. Certains d’entre vous se souviennent
peut-être de l’émission qu'Emmanuel
Laurentin consacra à notre
association en octobre 2010 : “Des humanistes modernes à Orléans”. Les
membres du bureau sous la houlette de Alain Malissard ont eu ainsi le loisir de
parler de l’histoire et de la vitalité de notre association orléanaise.
- Augustin D’Humières, Professeur agrégé de lettres classiques au lycée Jean-Vilar de Meaux (Seine et Marne), fondateur et ancien président de l’association Mêtis
- Bernard Legras, Professeur d’Histoire grecque, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, vice-président CFVU-Conseil Académique
- Dario Mantovani, Professeur de Droit romain à l’Université de Pavie, directeur de la revue Athenaeum et du CEDANT (Centro di studi e di ricerche sui diritti antichi)
- Monique Trédé, Professeur de Langue et littérature grecques à l’École Normale Supérieure (Paris), vice-Présidente de l’association Sauvegarde des Enseignements Littéraires (SEL)
La
vivacité et la clarté des propos des intervenants, s’écoutant, se répondant,
relayés par les remarques de Maurice Sartre habile à favoriser les échanges,
ont mis d’emblée les auditeurs dans le vif du sujet. Comment enseigner aujourd’hui
le grec et le latin ? Chacun des intervenants apportait sa note particulière
modulée selon sa propre expérience : soit celle passionnante d’un enseignant de grec et latin actuellement en fonction,
soit celle d’un juriste italien qui nous apprend que la plage horaire réservée
à l’apprentissage du latin à l’école, est la même que celle consacrée à
l’italien, soit les réflexions de Monique Trédé insistant avec force sur la nécessité
de l’apprentissage du latin et de l’étymologie, pour comprendre et parler la langue
française aujourd’hui, mise à mal par le quasi abandon de la grammaire dès
le collège. État des lieux basé sur le rejet actuel de la culture classique
d’où la pauvreté de la langue française au niveau supérieur. Question qui
fâche : la formation actuelle des historiens n’exige plus l’apprentissage
d’une langue ancienne malgré le goût des étudiants pour l’histoire du passé
antique. À contrario et paradoxalement,
l’on apprend que le best-seller « Harry Potter » est aujourd’hui
traduit en latin !
[En cliquant sur les photos vous pouvez les agrandir]
Insistance
sur l’apprentissage des langues anciennes favorisant la connaissance de soi et
la tolérance envers les autres. Connaître la religion polythéiste pratiquée
chez les gréco-romains ne peut qu’ouvrir l’esprit des élèves aux multiples
modes de penser. Le public emporté par la parole des orateurs applaudissait l’un
ou l’autre des intervenants. Ce fut alors
le moment
de parole donnée aux assistants qui déclencha divers témoignages intéressants
et vigoureusement exprimés. Tous semblaient portés par le sentiment de
l’urgente nécessité de ressusciter l’enseignement du grec et du latin dans le
cursus de l’élève.
Après
un déjeuner au Balzar — qui nous rappela que nous n’étions plus étudiants
— nous revenons assister à deux autres tables rondes qui
engageaient une réflexion ouverte sur la culture et la recherche au-delà de
l’hexagone.
« L’Antiquité et la culture européenne » sous la
direction souple et pleine d’esprit de
Jean-Noël Jeanneney, ancien Président de la
Bibliothèque Nationale de France, avec :
- Barbara Cassin, Directrice de recherche au CNRS, directrice du centre Léon-Robin, Collège International de Philosophie. Philologue, helléniste, germaniste et philosophe française
- Nicolas Grimal, Professeur au Collège de France (chaire Civilisation pharaonique : Archéologie, Philologie, Histoire), directeur honoraire de l’Institut Français d’archéologie Orientale – Le Caire
- Györgi Karsai,Professeur de Philologie classique à l’Université de Budapest
- Alain Schnapp, Professeur d’Archéologie grecque à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, ancien directeur général de l’Institut national d’histoire de l’art (INHA)
- Michel Zink, Professeur au Collège de France (chaire des Littératures de la France médiévale), Secrétaire perpétuel de l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres.
Cette table ronde passionnante, animée par de
brillants professeurs nous permit d’outrepasser les frontières grecques et romaines
de l’Antiquité et de l’élargir au Moyen-Âge et à la Renaissance. Les nouveaux
intervenants tous férus dans leur discipline étaient cependant dépourvus de ce
maintien « ex cathedra » qui aurait pu les éloigner d’un public venu nombreux,
en attente de nouvelles perspectives. Barbara Cassin déclencha un élan de
curiosité et Michel Zink fit les délices des amateurs de la civilisation
médiévale européenne.
Beaucoup
de jeunes têtes attentives, penchées sur leurs feuilles, stylo au poing,
prenaient des notes et n’hésitaient pas à prendre la parole. Tenus en éveil après
avoir retrouvé le même inconfort sur les bancs de l’amphithéâtre, nous ne
pouvions, heureusement, nous laisser aller à la somnolence post-prandium !
Émettons une idée : notre époque pourrait peut-être s'inspirer de
l'Antiquité pour essayer de retrouver l'esprit du discours et de la tolérance
La
troisième table ronde fut modérée avec fermeté et talent par Emmanuel
Laurentin, « journaliste d’histoire » à France Culture. Il portait sur L’Antiquité
et la recherche avec :
- Jean-Paul Demoule, Professeur de protohistoire européenne à l’Université Paris-1 Panthéon-Sorbonne, ancien Président de l’INRAP, membre de l’Institut Universitaire de France
- Alexandre Farnoux, Professeur d’archéologie à l’Université de Paris-Sorbonne, Directeur de l’École française d’Athènes
- Francis Joannès, Professeur d’Histoire ancienne à l’Université Paris 1-Panthéon-Sorbonne (enseignement de l’histoire mésopotamienne, des rapports Bible-Mésopotamie, et des langues anciennes du Proche-Orient), Directeur de l’Unité Archéologies et Sciences de l’Antiquité (ArScAn-UMR 7041)
- Catherine Virlouvet, Professeur d’Histoire romaine à l’université d’Aix Marseille, directrice de l’École française de Rome
- Arnaud Zucker,Professeur de langue et littérature grecques à l’Université de Nice Sophia Antipolis, directeur adjoint de l’unité Cultures et Environnements Préhistoire, Antiquité, Moyen Âge (CEPAM-UMR 7264, Nice), directeur de la revue électronique RURSUS
Ces propos
argumentés nous permirent d’apprécier comment s’était faite l’extension de
l’archéologie, du moins dans notre pays grâce à l’INRAP, et d’en connaître les limites dues aux types de contrats de
recherche et à la crise actuelle… la place de la philologie et de l’épigraphie
fut aussi soulignée avec maints exemples évocateurs.
Il y
avait encore plus de trois cents personnes lorsque Christophe Ono-dit-Biot, journaliste,
écrivain et directeur-adjoint de la rédaction du Point, s’essaya à synthétiser
les échanges de cette journée riche d’écoute et mémorable. De façon piquante et
malicieuse, le journaliste évoqua une phrase prononcée par Steve Job : "J’échangerais toute ma technologie contre un
après-midi avec Socrate". Quel hommage !
Il le fit avec le brio qu’on lui
connaît sur les ondes et l’enthousiasme que nous ressentions nous-mêmes, au cœur
de cette vieille institution, centre de débats d’actualité et chargée
d’énergies nouvelles.
Rappelons que le mot « enthousiasme »
vient du grec « enthousiasmos » soit « transport divin ».
C’est le mot que je retiendrai pour symboliser l’état d’esprit animé qui fut le
nôtre au cours de cette belle journée, portant au cœur cette question :
« comment la recherche dans le domaine de l’Antiquité peut-elle
continuer de nourrir notre connaissance et notre compréhension du monde
contemporain ? »
Enfin, la compagnie Démodocos,
de Philippe Brunet, Professeur
de Langue et littérature grecques à l'Université de Rouen, présenta «
Poésie, musique, danse, théâtre » spectacle
voulant restituer sur scène l’esprit de l’Antiquité, mais il nous a déçus par
rapport à notre attente.
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