Ce jeudi 26 septembre, la section orléanaise de l’Association Guillaume
Budé accueillait ses membres et son public pour sa première séance de l’année.
Comme à l’accoutumée, le Président Malissard présentait un compte rendu
des activités de l’année écoulée.
La section a organisé sept conférences mais la huitième, la rencontre avec
Julia Kristeva, n’a pu avoir lieu après deux désistements consécutifs de
l’écrivaine. Le partenariat avec le CDN a permis aux membres inscrits
d’assister à trois pièces de théâtre (La Mouette, Six personnages en quête
d’auteur, Georges Dandin) et à deux lectures. Le jubilé de notre secrétaire André
Lingois fêté à l’issue de la conférence de janvier fut un moment fort et se
prolongea en quelque sorte avec le voyage de trois jours (organisé par lui-même et
Gérard Lauvergeon) dans sa chère Bourgogne.
La situation financière est stable, malgré la diminution des entrées
aux conférences et une légère baisse des effectifs. Pourtant, cette année encore,
les cotisations restent inchangées.
Le président donne alors les grandes lignes de la nouvelle saison,
marquée par un retour à l’Antiquité. Ainsi, il y aura quatre conférences sur cette
période historique. Une autre portera
sur la Première Guerre mondiale (Philippe Nivet), anniversaire oblige. Et deux
autres seront consacrées à la littérature contemporaine (Claude Simon et
Vassilis Alexakis). Une promenade littéraire de deux jours aura lieu en mai ou juin,
consacrée à Ronsard.
La collaboration avec le CDN est renouvelée avec les pièces
« Hannibal » de Grabbe, « Par les villages » de Handke et
« Faim » de Knut Hamsun et avec une lecture tirée de l’Antigone de
Sophocle.
Le bureau de la section s’est enrichi par l’entrée de deux nouveaux
membres : Nicole Laval-Turpin au titre du secrétariat et Elodie Cechetti
pour la communication. Le président remercie Claude Viviani pour tout le
travail accompli : tenue du blog, diffusion des informations, enregistrements
des conférences, etc. La salle ratifie en applaudissant chaudement notre maître
toilier.
Le président donne alors la parole à Jean Nivet assisté de Nicole Laval
–Turpin, de Marie-Hélène Viviani et d’André Lingois pour une lecture à
plusieurs voix sur le thème :
DIDEROT ET LES PEINTRES DE SON TEMPS,
en
hommage pour le 300ème anniversaire de la naissance du philosophe.
Diderot, né à Langres le 5 octobre 1713, a laissé une œuvre foisonnante, et dans celle-ci, le
choix de Jean Nivet a été de montrer l’œuvre du critique d’art, à travers ses
« Salons » dont il a assuré le compte rendu pour le périodique de
Grimm de 1759 à 1781. Il s’y montre en effet dans toute sa spontanéité, dans
tout son naturel et nous révèle ses
goûts et sa personnalité.
Sous la houlette du meneur de jeu, les peintures exposées lors de ces
Salons sont mises en regard des textes
de Diderot les concernant, ce qui sollicite à la fois l’œil et l’oreille pour
donner une grande cohérence au propos.
Diderot a été un critique
souvent féroce (il invente le terme de « croûte ») même aux dépens de
son ami Lagrenée, et il se laisse aller à son côté libertin à la vision de
belles nudités ou devant « La jeune
fille pleurant son oiseau mort » de Greuze. Mais, au fil des Salons, il a
acquis une réelle compétence en art, préparé à cette tâche par ses articles de
l’Encyclopédie (sur le Beau notamment) et par la fréquentation des artistes.
Balayant vingt années de production picturale française, il assiste au passage
du « rococo » au néo-classicisme, de Boucher qu’il n’aime pas au
jeune David qu’il admire.
Ses goûts le portent vers la
peinture dite de « genre » pourtant moins considérée à l’époque que
la peinture académique et, pour la réaliser il conseille aux peintres de
quitter leur atelier pour observer la réalité et la nature. Il faut faire
« ressemblant » et il est intransigeant sur les détails justes, le
choix des couleurs, la composition.
Pour Diderot, la peinture doit susciter des émotions, faire appel à la
sensibilité, « aller à l’âme par l’entremise des sens », même en
acceptant la grande violence des batailles ou des tempêtes qui suggèrent
l’horreur ou le pathétique. Le peintre lui-même doit être saisi par
l’enthousiasme du métier, comme il le ressent à travers les paysages tourmentés de Joseph
Vernet ou de Loutherbourg, préfigurant la peinture romantique.
La peinture doit aussi porter à
la méditation et assumer un rôle moral, à l’instar de son théâtre, d’où son
admiration pour Greuze et ses tableaux comme « Le fils ingrat » et
« Le fils puni ».
Le grand mérite de Diderot est d’avoir perçu, à partir des années 1770,
que l’avenir de la peinture se trouvait dans la propre vision du peintre :
« votre soleil n’est pas celui de la nature ». Il accepte que la
couleur et le rendu de la lumière priment sur le dessin et sur le sujet du
tableau. Et Chardin lui révèle, dans ses natures mortes, une nouvelle manière
de peindre, « la manière heurtée », abandonnant la fusion des teintes
pour des couleurs franches. Diderot a donc su voir toute l’originalité de ce
peintre, notamment dans sa « Raie dépouillée » qui annonce les techniques
reprises au XIX° siècle.
Il ressort de cette remarquable contribution à quatre voix soutenue par
la projection d’une cinquantaine de tableaux que Diderot a été un immense
critique d’art et qu’il a eu un regard « très moderne », se
libérant du « Grand Goût » de
l’époque et anticipant les évolutions futures de la peinture. C’était lui
rendre un bel hommage.
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Je signale que le Musée des Lumières Denis
Diderot a été inauguré à LANGRES le 5 octobre 2013 (ouverture au public fin
2013) dans un très bel hôtel particulier rénové du XVIIIe siècle. Y figurent
dans une salle consacrée aux « SALONS » des toiles dont Diderot a
rendu compte.
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