.
Samedi 4 février, une vingtaine de “Budistes“ d’Orléans, ont assisté au spectacle donné par les acteurs de la Comédie française "La trilogie de la villégiature" trois pièces écrites par Carlo Goldoni et mises en scène par Alain Françon. Nous avons rejoint le théâtre éphémère installé dans les jardins du Palais-Royal, pendant la réfection de la salle Richelieu, dans l’état d’esprit d’un “Embarquement pour Cythère“.
Commençons par un survol biographique de cet auteur Italien du XVIIIe qui révolutionna les formes théâtrales sur la scène vénitienne de son temps.
Sa cible est la bourgeoisie commerçante de la Sérénissime qu'il met en scène avec brio et sympathie ce qui lui vaut un succès sans cesse grandissant à Venise. Peu à peu son regard critique sur cette petite bourgeoisie montante se fait plus critique, plus dur. Il dépeint ces bourgeois parvenus "singeant" les Seigneurs dans une volonté éperdue de leur ressembler, entreprise vouée à l’échec. Admirateur de Molière, il écrit des comédies d'intrigues et de caractère.

Mais il subit à Venise les critiques virulentes et les moqueries de son contemporain, Carlo Gozzi, traditionaliste, grand homme de théâtre lui aussi dans un tout autre genre car il met en scène un univers poétique et fabuleux que l’on retrouve par exemple dans “L'amour des trois oranges et le Roi- Cerf.“
Goldoni âgé de 55 ans, empoisonné pas ces polémiques, mal pensionné, décide de " jouer sa carte " à Paris, poussé par un jeune acteur vénitien qui l'invite à la Comédie italienne parisienne. Avant de quitter Venise, Goldoni offre à sa ville quelques chefs-d'œuvre dont "La trilogie de la villégiature" et part à la conquête de Paris accompagné de sa femme et de son neveu. Il y arrive en 1762 dans l'espoir d'imposer sa réforme et de renouveler la Comédie italienne toujours fidèle aux masques et aux canevas de la Commedia dell'Arte. Mais il n'est pas suivi car la scène italienne alors en crise est absorbée par l'Opéra comique.
Au début, il rencontre peu de succès auprès des Parisiens et pour vivre, devient professeur d'italien de la fille de Louis XV, Adélaïde d'où son transfert à Versailles. Plus tard, il aura pour élèves les sœurs du roi Louis XVI. Il rencontre enfin un succès parisien avec "Le bourru bienfaisant". En 1784, il reçoit la visite de l'écrivain italien, le dramaturge Vittore Alfieri qui l'incite à écrire "ses Mémoires". Il se met à les rédiger en français, déjà octogénaire comme le fera plus tard Casanova de 20 ans son cadet.
Goldoni, à Paris, est un auteur pensionné sous l’Ancien Régime mais la Révolution française le laisse démuni. Le public parisien se désintéresse de son théâtre. Il subit le déclin et vit même dans la pauvreté puisqu’il ne reçoit plus de pensions royales. Le secours généreux du député de la Convention Marie-Joseph Chénier arrive trop tard. Il s’éteint en 1793 dans son dernier refuge parisien, sis dans une ruelle près de l'église Saint Eustache.
Aujourd’hui vous pouvez voir sa plaque commémorative au numéro 21 de la rue Dussoubs.

Ils se ruinent donc pour singer les Grands et partir en villégiature chaque année. L’auteur a situé volontairement l’action de sa trilogie en Toscane, à Livourne et non pas à Venise pour se sentir plus libre de peindre ses contemporains vénitiens comme étrangers à la satire ! Ces bourgeois livournais vont en villégiature à Montenero. Ceux de Venise se retiraient sur la terre ferme où ils possédaient de riches domaines agricoles sur lesquels ils faisaient construire de belles villas richement décorées.
Face à ces bourgeois obsédés par l’envie de paraître, jamais contents, infantilisés par leurs caprices, ignorants dans l’art de vivre, nous voyons “s’épanouir“ sur scène, les domestiques non seulement lucides sur l’aveuglement de leurs maîtres (les rappelant à la raison, comme Paolo) mais encore sensibles à la douceur de certains moments privilégiés. Alain Françon, au début de la deuxième partie, nous les montre dans une scène délicieuse, où libérés de leurs obligations domestiques, ils prennent le temps de vivre — chocolat et chatteries amoureuses — baignés dans la lumière dorée d’une oasis de volupté calme. Sereins, au milieu du délire brouillon qu’est la vie de leurs maîtres.
Cette scène que Giorgio Strehler avait supprimée dans sa splendide mise en scène de 1978 est une épiphanie joyeuse dans le tohu-bohu du train de vie journalier.

Comme Giacinta qui, à la fin de la pièce se plaint directement au public de la caricature que l’auteur a fait d’elle, j’invite les amis budistes, spectateurs de cette Triologie à donner leur avis sur ce spectacle. Il y a tant à dire sur cette œuvre théâtrale de cinq heures et sur les acteurs du Français éblouissants dans l’interprétation de ce beau texte de Carlo Goldoni.
.