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Les mots, les maths et l’histoire
Nicole Laval-Turpin a eu le plaisir de présenter le conférencier qui a été son collègue au Lycée pendant plusieurs années et dont elle a apprécié l’ouverture d’esprit, le souci de mettre en relation lettres et sciences ainsi que le désir de susciter la curiosité. Bertrand Hauchecorne a d’emblée satisfait ce désir en s’adressant à un public plus accoutumé aux figures de style qu’aux équations du 2e degré.

Notre guide nous avait promis un voyage historique. Il allait être en réalité exotique : après la fermeture de l’Académie en 529 par l’empereur Justinien, la culture mathématique se déplace de Constantinople vers l’Orient et se transmet en langue arabe — avec deux traductions essentielles : les Eléments d’Euclide et L’Almageste de Ptolémée, Déjà, dès le début du Ve siècle, la civilisation indienne avait fait évoluer les mathématiques avec l’invention capitale de la « numération de position » (d’où les algorithmes) qui entraîne celle du zéro (sûnya : c.a.d. vide ou vacant en hindi, traduit en arabe par sifr - notre futur « chiffre »). Nous avons alors assisté aux tribulations de ces éléments symboliques vers l’Occident, d’abord dans les écoles médiévales d’Europe — surtout par le truchement de Boèce (470-524), à la fois philosophe et féru d’arithmétique — et dans les foyers de civilisation particulièrement brillants comme le califat de Cordoue ou la Cour de Tolède, ou encore en Italie où s’illustrent des esprits éclairés comme Gérard de Crémone et Léonard de Pise. À partir du XVe siècle, du fait de l’essor du commerce, l’arithmétique se développe ; les chiffres arabes s’imposent ; les manuels ne sont plus écrits en latin, mais en langue vernaculaire, comme en Allemagne les ouvrages d’Adam Riese…
Au moment de clore ce voyage historique à travers des siècles de science mathématique — la science par excellence selon l’étymologie — Bertrand Hauchecorne a tenu à illustrer son propos par des exemples, chaque époque ayant apporté son lot de vocables, dont le sens et l’usage ont pu évoluer. ainsi les expressions comme : « le quart » ou « le tiers », qui à la Renaissance (on pense bien sûr à Rabelais) avaient valeur d’adjectifs ordinaux, sont de nos jours réservées aux fractions. Souvent le vocabulaire s’est spécialisé : la « roulette » est devenue une « cycloïde » ; la « touchante », une « tangente » Parfois un mot nous ouvre un horizon poétique ; ainsi, à propos du calcul des probabilités, nous avons eu la révélation que le mot « hasard » avait pour origine le jeu de dés, plus exactement la face du dé qui représente l’arabe « al azar » = la fleur. Joli, n’est-ce pas ? Bien mieux que le mot « chance » vient tout bonnement du latin « cadere » = tomber…
Bertrand Hauchecorne a gardé pour la fin quelques expressions courantes issues des mathématiques, comme le familier « prendre la tangente », ou l’adjectif « incommensurable », qui, au départ, ne s’appliquait qu’à des longueurs qu’on ne pouvait mesurer ensemble, ou encore la traditionnelle expression : « la quadrature du cercle » (un problème insoluble !) , ou encore cette locution à la mode : « l’équation personnelle » (que je serais tenté de traduire par la prétentieuse « idiosyncrasie »). Mais laissons le dernier mot à notre professeur passionné — et qu’on aurait pu écouter encore longtemps : « Si la langue française a beaucoup apporté aux mathématiques, celles-ci en revanche ont largement contribué à sa richesse. »
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Vous pouvez écouter (et télécharger) cette conférence, et toutes celles de cette saison 2014-2015 :
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